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CHRONIQUES DE MES COLLINES

2009-2011

par Henri Morgan

Nous avons pendant un peu plus de deux ans, entre 2009 et 2011, tenu une chronique dans une revue culturelle de l'Est de la France, sous le titre Chronique de mes collines. Nous nous étions vieilli un peu pour l'occasion, et avions francisé notre nom en Henri Morgan. Comme nous parlions des choses dont nous parlons habituellement, nous intégrons ici ces chroniques. Leur seul défaut est que, Henri Morgan étant beaucoup moins au fait des littératures dessinées que son quasi homonyme Harry Morgan, il devenait, lorsqu'il parlait de bandes dessinées (c'est-à-dire une fois sur trois à peu près), un peu plus gâteux qu'au naturel.

Harry Morgan


Le Tribunal de l'impossible, ORTF, 1967-1974

Henri Morgan vit retiré à la campagne, et se consacre à l’étude et à la méditation.

Quand les gens parlent de la télévision, c’est presque toujours de celle de leurs jeunes années. Le téléviseur a la double caractéristique de faire partie des meubles, et donc de renvoyer nostalgiquement au foyer de l’enfance, et d’être une fenêtre sur le monde, c’est-à-dire, le plus souvent, sur un monde fictionnel, — d’où une autre forme de nostalgie.
Pour l’adolescent épris de fantastique que j’étais, le plus intrigant, à la fin des années 1960, c’était Le Tribunal de l’impossible de Michel Subiela, série d’« évocations dramatiques » suivies d’un débat. Par l’intermédiaire de la boutique en ligne de l’INA, j’ai pu, en échange d’un peu de monnaie, revoir Les Rencontres du Trianon ou la dernière rose (10 février 1968), Qui hantait le presbytère de Borley ? (30 novembre 1968) et Un esprit nommé Katie King (24 janvier 1970). Les fameuses « évocations dramatiques » hésitent entre le docudrama et la fiction sur fond historique. Les Rencontres du Trianon sont pratiquement le dossier de ce que les parapsychologues appellent « l’incident Moberly-Jourdain », raconté par ses protagonistes. À l’inverse, Un esprit nommé Katie King est une pièce de théâtre, pas mauvaise au demeurant, montrant comment le physicien William Crookes tombe amoureux du fantôme Katie King, matérialisé par le médium Florence Cook, qui devient en quelque sorte jalouse d’elle-même, car, dans cette version, l’esprit est présenté comme une personnalité secondaire du médium. Quant à savoir si Florence Cook produit effectivement un ectoplasme ou si elle se déguise en fantôme, la question est volontairement laissée dans le vague, même s’il est assez nettement suggéré qu’il y a supercherie.
Les « évocations dramatiques » sont suivies d’un débat où des vieux métapsychistes bardés de diplômes expliquent que tout fantôme qui n’est pas obtenu dans les conditions du laboratoire est hautement suspect. En face d’eux, des psychologues spécialistes d’hygiène mentale rappellent que ces histoires de revenants ont un effet déplorable sur les esprits débiles. Pris dans ces feux croisés, Michel Subiela et Francis Lacassin expliquent que l’amour spiritique du physicien Crookes ou l’apparition, en 1901, de Marie-Antoinette dans le hameau du Petit Trianon, c’est beau comme une nouvelle de Henry James, et demandent poliment la permission de rêver un peu. Ces messieurs sont chauves, doctes et cravatés de noir. La télévision des années 1960 n’était pas un repaire de zazous.
Même ainsi, il n’y eut que quatorze séances du Tribunal de l’impossible, en sept ans. L’époque n’était pas au rêve, et toute fiction qui lâchait la bride à l’imagination amenait les protestations véhémentes de téléspectateurs qui n’aimaient pas qu’on se paie leur fiole.



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