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THE FRENCH COMICS THEORY READER
Ann Miller & Bart Beaty (eds)
Leuven University Press, 2014

Une fois accepté le parti pris adopté par les metteurs en œuvre de The French Comic Theory Reader, à savoir que les écrits francophones sur la bande dessinée appartiennent à un corpus de « French theory », cet ouvrage présente une utile anthologie ou, pour mieux dire, une chrestomathie (dans sa forme anglaise du reader) de textes français, conduisant le lecteur des textes fondateurs des années 1960 jusqu'aux évolutions récentes de la stripologie. L’ouvrage constitue une excellente introduction, en anglais, à la littérature secondaire francophone, pour l’étudiant ès comics studies, ou œuvrant dans les domaines connexes (popular culture studies, media studies, etc.), ou tout simplement pour l’étudiant en culture et civilisation françaises.
L'ouvrage tient compte d'une caractéristique essentielle de la stripologie francophone : le fait qu’elle n’est pas cantonnée au monde académique, de sorte qu'elle évoque fortement l'activité scientifique au XVIIIe et au XIXe siècles, les chercheurs fonctionnant en réseau, avec comme point d’ancrage des revues (Giff Wiff pour la paélostripologie, Les Cahiers de la bande dessinée période Groensteen pour la mésostripologie) et des colloques (le colloque de Cerisy organisé par le même Groensteen en 1987). De là un côté souvent pittoresque du contenu, certains auteurs adoptant des points de vue tout à fait idosyncratiques (Menu), voire radicaux (Schwartz), dans la lignée des pionniers du domaine, à commencer par Francis Lacassin, qui défendait la centralité de la bande dessinée... dans le cadre d’une culture alternative.
Ce qui caractérise la French Theory, si on la compare dans une perspective historique à la littérature secondaire anglophone, est la moindre importance de la lecture sociologique (et, partant, la moindre importance de l'outil qu'est l'étude de contenu), au profit d’analyses esthétiques, sémiologiques ou critiques. (Le sociologue du recueil est Luc Boltanski, qui applique intelligemment à la bande dessinée la théorie du champ bourdieusien, mais qui, par ailleurs, ne travaille pas sur la bande dessinée.)

Inversement, la consultation de ce reader permet de relativiser l'influence sur la littérature secondaire du sémio-structuralisme, triomphant dans la pensée française au cours des années 1960 et 1970, influence qui a été très exagérée dans le monde même de la bande dessinée, pour de très mauvaises raisons (il s'agissait essentiellement de mener une polémique anti-intellectuelle). Si les théoriciens partagent un principe, c'est celui du « close reading », dans une perspective essentiellement empirique. L'évolution théorique d'un Pierre Fresnault-Deruelle est à cet égard exemplaire.
C’est par conséquent la forme de l’essai qui caractérise les études francophones et qui produit certainement les résultats les plus convaincants, ce qui justifie pleinement la publication d’un reader, même si par ailleurs on peut regretter par exemple qu’un Thierry Smolderen n’ait pas donné l’immense ouvrage historique sur la bande dessinée victorienne qu’il porte en lui.
Le choix des textes par Ann Miller et Bart Beaty est pertinent. Notre seule objection porte sur le texte de Francis Lacassin. On a pris dans Pour un neuvième art, la bande dessinée, la définition de la bande dessinée pour la Grande Encyclopédie alphabétique Larousse. Mais compte tenu précisément des contraintes encyclopédiques, ce texte reflète mal la pensée de l’auteur. Il eût fallu prendre dans le même volume « Une thématique où rien n’est vrai, tout est permis », extrait des Lettres françaises.