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Annales de la littérature d'aventures - romans souterrains - département des notes de lectures
Guy Costes, Joseph Altairac, Les Terres creuses : bibliographie commentée des mondes souterrains imaginaires, encrages, collection interfaces, 2006
Il faut saluer l'entreprise titanesque de recherche et de compilation de Guy Costes et Joseph Altairac, deux plumes chevronnées en matière de littérature conjecturale, qui nous offrent une bibliographie exhaustive de la thématique de la terre creuse en littérature.
Cette thématique est interprétée au sens le plus large et cet immense et scrupuleux travail d'érudition comporte par conséquent plusieurs livres :
• Une bibliographie des terres creuses dans la fiction.
• Une bibliographie des terres creuses hors fiction, le sujet autorisant les auteurs à faire exception au critère du récit romanesque, qu'ils ont posé eux même.
• Une bibliographie des mondes perdus souterrains (qui ne sont pas la même chose que la terre creuse : il suffit d'une vaste contrée cavernicole pour faire un monde perdu souterrain).
• Une bibliographie des tunnels sous la Manche (thématique qui amuse beaucoup nos auteurs à cause des réactions paranoïaques des littérateurs qui la mettent en scène).
• Une bibliographie des romans préhistoriques à cavernes. (Manquent par conséquent les romans de sociétés lacustres.) On peut noter ici que ce qui intéresse le plus les romanciers s'étant adonné au genre et nos compilateurs eux-mêmes c'est la femme des cavernes, point focal de tous les fantasmes.
• Une bibliographie générale des romans d'imagination scientifique par le biais des cavernes, grottes, souterrains et autres excavations. En effet le topos du souterrain est caractéristique de la littérature d'aventures à laquelle se rattache le plus souvent la littérature d'imagination scientifique, et il permet par conséquent d'enfiler le gros de cette littérature, des victoriens comme George Griffith, aux auteurs du Journal des Voyages comme le capitaine Danrit ou Paul d'Ivoi, aux contemporains comme Barjavel ou Francis Carsac. Manque en somme la science-fiction classique américaine, parce que les récits ne se passent pas sur terre et que nos compilateurs ne recensent pas les cavernes extraterrestres. On trouve donc Perry Rhodan, mais pas les Captain Future d'Edmond Hamilton ni le cycle de « Fondation » d'Asimov, ni Dune de Frank Herbert.
Pour toutes ces thématiques, le souci principal des auteurs est l'exhaustivité. A ce titre, Les Terres creuses s'inscrivent dans la conception de l'érudition défendue par les amateurs savants de la littérature d'imagination scientifique, conception dont l'origine est en réalité l'encyclopédie de Pierre Versins. Mais, précisément, il n'est pas sûr que le projet encyclopédique s'accommode d'une bibliographie tentaculaire. Sans remettre en cause le moins du monde le traitement que les auteurs font de leur sujet, on peut noter qu'une chronobibliographie des terres creuses au sens strict comporterait relativement peu d'ouvrages et que, par là-même, sa consultation donnerait une vision claire et synthétique de l'évolution du motif.
Ceci étant posé, le lecteur aurait mauvaise grâce à bouder son plaisir. Le fond de l'affaire est manifestement la passion de deux amateurs de vieux papier, tout heureux de nous faire part de leurs découvertes et de nous amuser un peu, par exemple en nous citant l'ouvrage de Pascal Sevran, Le Comte de St-Germain aujourd'hui (notice n° 1752), sous prétexte qu'il y est fait mention de l'Agartha, et parce que cela permet de caser un ouvrage de l'amant de Dalida.
Au total, l'amateur se retrouve face à une immense pochette-surprise où voisinent les choses les plus incongrues, et il peut se livrer aux plaisirs de la découverte, plaisir d'autant plus vif que le public d'érudits auquel s'adresse l'ouvrage aura à cœur de le lire in extenso.
Exprimons un regret : l'absence de la bande dessinée du corpus. Pour ne donner qu'un exemple, les albums d'EP Jacobs n'ont pas moins leur place dans l'ouvrage que les romans francophones de la seconde moitié du XXe siècle. De plus, l'inclusion de la BD permettrait de rehausser le niveau général, la thématique s'épuisant à la fin du côté de la littérature écrite, mais réservant encore de beaux filons en littérature dessinée (qu'on pense seulement aux mondes souterrains dans l'univers des Marvel Comics).
Il est vrai d'un autre côté que l'inclusion systématique des BD augmenterait le volume dans des proportions extrêmes. (Le Tex Willer de Bonelli comporterait au minimum cinq entrées, le Pépito de Bottaro plusieurs dizaines.) Mais après tout, si la place manquait pour les BD, pourquoi inclure les récits avec textes sous l'image ? Le critère retenu par les auteurs (l'histoire tient même sans les dessins) est clairement absurde, ce dont ils conviennent à demi mot. En dernière analyse, joue, ici encore, l'idiosyncrasie des auteurs. Amateurs de littérature populaire, ils ne sont pas, ou sont peu, amateurs de littérature dessinée et ceci explique leur choix méthodologique.
La savante préface de nos érudits situe les thématiques étudiées dans l'état du savoir de leur époque, fait un sort aux zinzins, désaxés et autres hétéroclites amateurs de terres creuses, et permet d'esquisser des généalogies (distinguant par exemple les héritiers du capitaine Symmes de ceux de Cyrus Teed).
Regrettons un long article, en annexe, de Fabrice Tortey, marginal par rapport au sujet, puisqu'il parle de Darwin, d'évolution et de phylogénie, à propos d'un roman de Paul Ronceray (notice n° 936).
Quant à l'étude de Serge Lehman, elle a le défaut de ne tirer aucune conclusion de l'examen du corpus qu'on vient de lire. On a droit à la place à une loghorrée incompréhensible, couchée dans un style pseudo-scientifique, et faisant apparemment l'appel des lubies de l'auteur. On en serait quitte pour quelques pages inutiles si ce malheureux morceau de pédantisme flou ne nous privait des observations finales qui s'imposaient dans un tel ouvrage.
Harry Morgan et Manuel Hirtz