LA UNE DE L'ADAMANTINE
L'ADAMANTINE STRIPOLOGIQUE
L'ADAMANTINE LITTERAIRE ET POPULAIRE
L'ADAMANTINE ARTISTIQUE ET MONDAIN
L'ADAMANTINE EN ESTAMPES
L'ADAMANTINE STIRPOLOGIQUE

Poèmes de la jarre hermétiquement close


 un rêve des terrasses

 

Il arrive, boulevard du songe,

Que je me souvienne des appartements

Qu'à Babel ou Ninive je louais en mon temps,

Ou que j'ai reçus en héritage, ou dont on m'a fait gardien.

Je sens peser dans ma poche une clé de verre.

Je sais encore le chemin.

 

Car le dormeur fabrique sa demeure en songe

Et fait le rêve qui le contient.

 

C'est une salle de cristal dallée de cases d'orichalque

Où par douze baies dodécagonales,

Sur les terrasses étagées - assises, bancs, niveaux, horizons -

Et plantées en jardins du ziggourat,

A perte de regard, on aperçoit picorer les æpyornis,

Et loin, tout au loin, à l'horizon,

Les glaciers confondus dans l'azur,

Les montagnes en train de saluer.

 

Car le dormeur fabrique sa demeure en songe

Et fait le rêve qui le contient.

 

Des coussins amoncelés, des tapis de laine

Angora, sont les socles improvisés

De mes petites âmes apprivoisées,

De mes lares de noyer et d'ébène,

Où secrètement recuit la pensée,

statues de porphyre et de ponce, oeuvres d'art

Adonnées à l'examen de conscience.

 

Car le dormeur fabrique sa demeure en songe

Et fait le rêve qui le contient.

 

La salle de bain est d'andésite amarantine

Trixel, robot féminin m'oint et me vêt

D'étoffes fantômales, de tissus arachnéens

En me réchauffant de mots d'amour

D'une ardeur polyglotte.

 

Car le dormeur fabrique sa demeure en songe

Et fait le rêve qui le contient.

 

Ma table est une dalle d'ombre,

Un autel de basalte où célébraient jadis

Des Papous à peau claire venus de la Baltique.

Vingt hommes-machine me servent

- En cliquetant les blagues atroces

Des loufiats du boulevard Saint-Germain -

Des ménures de Vénus et des crustacés de Mars,

Et sous mes pieds, cent quarante quatre étages plus bas

Une humanité incandescente s'active autour des génératrices

Et les met en marche par son rayonnement.

 

Car le dormeur fabrique sa demeure en songe

Et fait le rêve qui le contient.

 

Tel est mon rêve babélien.

Il en est d'autres, par bonheur infréquents,

De couloirs secrets, d'appartements murés,

Où des survivants muets sont à souper,

Où ma place est prise par un autre moi qu'on me cache.

 

Car le dormeur fabrique sa demeure en songe

Et fait le rêve qui le contient.

 

Retour au sommaire des archives de l'Adamantine