LA UNE DE L'ADAMANTINE
L'ADAMANTINE STRIPOLOGIQUE
L'ADAMANTINE LITTERAIRE ET POPULAIRE
L'ADAMANTINE ARTISTIQUE ET MONDAIN
L'ADAMANTINE EN ESTAMPES
L'ADAMANTINE STIRPOLOGIQUE

Vie supposée de Thomas Temple, poète lakiste (1775-1845)

Temple naquit à Gretnal Green, à la frontière de l'Ecosse. Il était fils d'un soldat et d'une vivandière. On le laissa en nourrice dans un hameau d'Ecosse et on le confia tôt à différentes écoles et académies militaires, où il fut malheureux et persécuté par ses condisciples. Il manifesta très tôt un déséquilibre certain, puisqu'il était insomniaque comme Lady Winchelsea, ivrogne comme Robert Burns, mélancolique comme Gray, suicidaire comme Chatterton, atteint de la maladie du doute comme Cowper, dissipé comme Goldsmith, en proie au délire religieux comme Smart et déprimé comme Collins.

Sa veine poétique donna, durant les années de collège, plusieurs épitaphes en forme d'odes pindariques, où il enterrait la pitié, la compassion, le contentement et le sentiment religieux. Ce cynisme, totalement étranger à ses premières oeuvres d'adulte, annonçait curieusement sa période de maturité.

Devenu indépendant, il mangea, dans une existence de débauche, à Londres, le petit pécule que lui avaient laissé ses parents. En 1799, il vint se fixer dans un petit village du Lake District, où il fréquenta son cadet, Wordsworth. Temple tenta de gagner sa vie comme maître d'école, mais il fut un écolâtre médiocre ; il oubliait de se lever le matin, séduisait ses élèves, abandonnait sa classe pour aller composer. De plus, il était adonné au jeu et querelleur. Il finit par perdre son poste, où on le remplaça par une vieille demoiselle. Désespéré, Temple tenta de se tuer en avalant la liasse de ses oeuvres et une grande quantité de craie, qu'il fit passer en buvant de l'encre.

Ses poèmes de jeunesse comportent la Maîtresse d'école, l'Accordée de village (scène champêtre inspirée par Greuze), le Registre paroissial, l'Escarbot, le Cimetière de campagne.

Encore sous l'influence de Gray et Burns, ses aînés, il exalte avec une nostalgie parfois un peu mièvre, le souvenir de ses années de nourrice, en Ecosse, qui furent la seule période heureuse de sa vie. Il peint avec justesse et sympathie de petits gens de la campagne, une institutrice qu'il avait connue dans son enfance, un vieux vicaire de paroisse, un aimable fossoyeur. Ces tableaux de moeurs, sensibles et un peu surannés, voisinent avec des élégies champêtres où la douceur de la réminiscence et l'élévation spirituelle n'occultent jamais un indéniable sens de l'observation et un parti-pris de ce que - par anachronisme - il faudrait appeler du réalisme.

Cependant, Wordsworth ne voyait pas sans inquiétude son ami se dissiper. Vers 1800, il tenta de le marier à une jeune veuve. Union impossible dont il nous resta le petit conte en vers du Fiancé déchaux, sorte de pastiche burlesque de l'Accordée de village.

Déjà, Temple avait fait un séjour à l'Asile d'aliénés de Castle. Le protecteur de Wordsworth Lord Lonsdale, accepta de verser un pécule au malheureux poète et on l'envoya presque de force - en compagnie d'un ecclésiastique malade des nerfs - faire un tour d'Europe, comme c'était alors la mode pour les rejetons des familles riches.

La santé des touristes invalides profita mal de cette expédition, entamée à l'automne de 1802. Arrivé à Calais, Temple voulut rentrer. A Naples, son compagnon fit une tentative de suicide. Le voyage fut interrompu avant qu'on atteignît Athènes et les deux malheureux, arrêtés par la police pour une sombre affaire de tentative de meurtre, furent ramenés en Angleterre par un Lord Lonsdale peiné et furieux. L'ecclésiastique et Temple furent un temps enfermés à l'asile de Castle - que le poète connaissait déjà - dans des cellules séparées.

Il nous reste de cette descente aux enfers les terribles chants du Grand Tour, écrits pendant les intervalles lucides de sa séquestration à l'asile. On atteint avec ce poème la période de la maturité de Temple, beaucoup plus sombre, dans le ton comme l'inspiration, que les oeuvres de jeunesse.

Le séjour à l'asile,d'où Wordsworth le faisait sortir pour de trop courts séjours à Dove Cottage, nous valut encore l'hallucinant Saint Mary of Bethlehem (du nom d'un asile de fous de Londres).

La Joyeuse Chanson du voleur de grand chemin, le Fébrifuge, écrits pendant des vacances chez Wordworth, ou des excursions dans le pays des lacs, renouent avec la légèreté des premiers poèmes, quoique la gravité et le tragique ne soient jamais loin.

En 1805, Temple fut déclaré guéri et quitta définitivement l'asile de Castle. Cet élargissement fut sa perte. On l'avait, durant ses années d'enfermement, empêché de boire. Sa terrible hérédité le rattrapa et il sombra dans un alcoolisme désespéré, achevant de détruire méthodiquement un esprit qui avait été génial.

Brouillé avec Wordsworth, il retourna en Ecosse, pensant retrouver le pays de son enfance, que son imagination avait paré de couleurs féériques. La déception fut cruelle. Ìl échoua au milieux d'un pays misérable. Ses frasques émurent les paysans au milieu desquels il vivait. On l'accusait de mordre les chiens. Il vécut d'aumônes et d'humiliantes exhibitions dans les tavernes, où il contrefaisait, pour l'amusement des highlanders, le gentleman anglais. Il fut, dans ses dernières années, sans un véritable ami. Ses derniers poèmes sont des oeuvres torturées, où il s'impose d'étranges contraintes, s'interdit d'utiliser la lettre T (ses initiales). Il tenta de récrire ses vers anciens selon son singulier système. Sa raison céda définitivement en 1808. On dut l'enfermer à Edimbourg. Il y survécu trente sept longues années, sans plus écrire une ligne, ayant sombré dans l'idiotie.

 

Retour au sommaire des archives.