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CHRONIQUES DE MES COLLINES
2009-2011
par Henri Morgan
Nous avons pendant un peu plus de deux ans, entre 2009 et 2011, tenu une chronique dans une revue culturelle de l'Est de la France, sous le titre Chronique de mes collines. Nous nous étions vieilli un peu pour l'occasion, et avions francisé notre nom en Henri Morgan. Comme nous parlions des choses dont nous parlons habituellement, nous intégrons ici ces chroniques. Leur seul défaut est que, Henri Morgan étant beaucoup moins au fait des littératures dessinées que son quasi homonyme Harry Morgan, il devenait, lorsqu'il parlait de bandes dessinées (c'est-à-dire une fois sur trois à peu près), un peu plus gâteux qu'au naturel.
Harry Morgan
CHRONIQUES DE MES COLLINES
Twilight de Stephenie Meyer
Henri Morgan vit retiré à la campagne, et se consacre à l’étude et à la méditation.
Dans ma retraite campagnarde, j’entretiens depuis quelques temps le dessein d’adopter une poule. Elle me donnerait l’œuf de mon petit déjeuner, et je lui céderais en échange l’usufruit du mon jardin, avec le droit d’en extirper pour sa consommation personnelle tous les lombrics qui en vrillent le terreau. Comme je ne sais pas du tout où l’on achète des poules, je médite d’attirer chez moi une poule que je vois dans mon pré et qui a l’air de s’être perdue.
En attendant, et à défaut d’une poule, j’ai recueilli chez moi une nièce qui a brièvement divorcé de ses parents. C’est une adolescente brillante, qui, pendant la fin de semaine qu’elle a passé chez moi avant de décider de donner une seconde chance à ses géniteurs, a lu — et en anglais, s’il vous plaît — Twilight de Stephenie Meyer, qui raconte les amours d’une lycéenne et d’un camarade de classe, vampire de son état. Comme ma nièce a laissé le livre, je l’ai lu après elle. Les 430 pages du roman se lisent d’ailleurs assez vite.
Stephenie Meyer reprend le mythe du vampire là où l’avait laissé Anne Rice (Interview With the Vampire, 1976). Elle nous présente des vampires romantiques, compassionnels et bien de leur personne, ce qui, à mon avis, gâche complètement ce beau mythe de la fascination et de la souillure qu’est le mythe du vampire. L’originalité de Mrs Meyer est qu’elle triture cela avec les histoires de superhéros, telles qu’elles sont passées du comic book aux séries télévisées pour adolescents. (On le comprend bien dans une scène où les vampires jouent au base-ball. Le match pourrait parfaitement opposer Hulk et La Chose ou Superboy et Supergirl).
Stephenie Meyer écrit prodigieusement mal. Même en s’en tenant prudemment à la formule narrative la plus simple, un récit à la première personne, linéaire et strictement événementiel, elle ne peut s’empêcher d’écrire des choses comme : « ”Oh.” The word seemed inadequate, but I couldn’t think of a better response. »
Le roman a choqué les éducateurs et les critiques « progressistes » qui, si j’ai bien compris, reprochent essentiellement à Mme Meyer le fait qu’elle appartient à l’Église mormone, et soupçonnent en conséquence Twilight de transmettre quelque horrible message religieux ou ultra-conservateur. Le fait est que Bella, qui a dix-sept ans, et Edward, qui en paraît également dix-sept (mais qui est devenu un vampire en 1918), ne croquent pas la pomme qui figure de façon si éminente sur la couverture du roman.
On peut ajouter que Bella est une authentique cruche, qui ne peut dire un mot sans virer à l’écarlate, ni faire un pas sans trébucher sur ses lacets, ni embrasser son vampire de petit ami sans s’évanouir, et dont la seule fonction dans le roman est de tomber aux mains d’un vampire tueur en série, pour être délivrée in extremis par la cavalerie vampirique de son boy friend.Stephenie Meyer, Twilight, Hachette Jeunesse