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La science démoniaque et le robot humain
ou
Comment parler de films de science-fiction qu'on n'a pas vus
Jacques Siclier, André S. Labarthe
Images de la science-fiction,
Éditions du Cerf, collection 7e art, 1958


Elle manquait à ma bibliothèque ! J’ai eu la bonne fortune de mettre la main sur la première monographie française consacrée à la science-fiction au cinéma, Images de la science-fiction, de Jacques Siclier, André S. Labarthe, parue aux catholiques Éditions du Cerf, en 1958. Les jeunes et vaillants auteurs de cet opuscule de 128 pages souffrent hélas de plusieurs handicaps. Pour commencer, ils n’ont qu’une idée des plus confuses de ce qu’est la science-fiction, qu’ils distinguent mal du fantastique, et dont l’histoire leur est largement inconnue. Leurs informateurs n’en savent souvent pas plus qu’eux. La description par nos jeunes gens des effets sur les populations de la radiodiffusion du drame qu’Orson Welles tira de La Guerre des mondes de Wells vaut ainsi son pesant de nougat : « Les églises accueillaient des réfugiés à demi fous de terreur, des scènes de violence éclataient un peu partout et la police débordée s’efforçait, mais en vain, de comprendre ce qui se passait. » Tout bien considéré, c’est là une bonne description du film La Guerre des mondes de Byron Haskin (1953), mais aucun historien sérieux ne croit plus aux scènes de paniques prétendument déclenchées en 1938 par le brillant directeur du Mercury Theatre On Air.
D’autre part, sans l’avouer, nos auteurs n’ont manifestement pas vu une grande partie des films qu’ils commentent et ils en sont quittes pour exploiter leurs sources documentaires en espérant que cela ne se voie pas trop. Seulement, outre que les articles dont ils se servent ne sont pas toujours des plus fiables, ce petit tour de passe-passe aggrave une tendance naturelle à nos auteurs, qui est de remplacer l’analyse de film par des considérations sociologiques. Parfaits reflets de l’idéologie de leur temps, nos auteurs mélangent morale chrétienne et propagande communiste, et jugent des films d’après ce double référentiel. Le cinéma expressionniste allemand est décrit comme pré-nazi, les films d’URSS sont tous excellents, et le cinéma américain souffre de bellicisme endémique (un chapitre est titré « La science-fiction paramilitaire »), de sorte que les bons films américains sont ceux qui prêchent ouvertement le pacifisme (The Day the Earth Stood Still, ou encore l’excellent Them, décrit sans rire comme un film grave qui pose des questions philosophiques profondes).
Nos auteurs concluent de leur tour d’horizon que le cinéma de science-fiction est un genre à venir. D’ailleurs le lancement de Spoutnik en célèbre l’avènement. Mais il faudra attendre les films de Pierre Kast (c’est un copain, il a d’ailleurs écrit la préface) pour enfin voir des films de science-fiction dignes de ce nom. « Aujourd'hui les premiers balbutiements, écrit Kast, mais demain, les films. »
De nos jours, bien sûr, tout le monde sait que le chef-d’œuvre du cinéma mondial de science-fiction, c’est Les Soleils de l’île de Pâques que Pierre Kast réalisera en 1971.

Manuel Hirtz

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