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Annales de la littérature d'aventures - Département des îles désertes

Captain Mayne Reid, The Desert Home

Les Robinsons de Terre ferme (1852)


Le narrateur traverse la prairie américaine avec une caravane de marchands. Dans une vallée des montagnes rocheuses, les voyageurs découvrent la colonie de la famille Rolfe, qui sont les Robinsons de terre ferme du titre.

Rolfe est un Anglais prodigue qui a émigré aux Etats-Unis avec sa femme et ses enfants pour rétablir sa fortune, mais a été deux fois trompé par des aventuriers, qui lui ont vendu successivement une plantation en Virginie dont le sol est épuisé (les Rolfe y gagnent le nègre Cudjo, qui est plutôt leur compagnon que leur esclave), puis une soi-disante ferme dans une prétendue ville, qui en réalité n'existe pas et n'est qu'un marais putride, exactement comme la ville d'Eden dans Martin Chuzzlewit de Dickens.

Ayant perdu de cette façon le reste de sa fortune, Rolfe souhaite gagner le Nouveau-Mexique où un Ecossais qu'il vient de recontrer, M'Knight, lui propose une place dans sa mine. Mais la caravane est attaquée par les Indiens. Les Rolfe ne doivent leur salut qu'au fait qu'ils ont rompu un essieu et qu'ils ont pris du retard sur la troupe. Ils recueillent la fille de l'Ecossais, dont la mère a été massacrée. (De façon peu crédible, l'Ecossais lui-même a survécu au massacre. Il figure dans la troupe de marchands qui accompagne le narrateur, et se fait reconnaître de Rolfe et de sa propre fille au moment où Rolfe arrive dans sa narration à l'épisode de l'attaque des Indiens !)

Les Rolfe manquent de périr de soif dans le désert, mais atteignent de justesse une vallée fertile où ils s'établissent. La famille comprend Rolfe, sa femme, le nègre Cudjo, les garçons Harry et Frank, la fille Mary, et enfin Luisa, la fille de l'Ecossais et de feue son épouse mexicaine. Les Robinsons de terre ferme chassent le tatou, l'antilope, le bighorn, l'élan (dont ils fument la viande), le carcajou. Trouvant la vallée fertile, ils décident d'y rester, au lieu de se lancer à nouveau dans le désert avec le seul cheval qui leur reste. Ils découvrent une colonie de castors, dont ils se promettent d'exploiter les peaux, construisent une cabane sans un clou, chassent le daim, se trouvent nez à nez avec un putois, trouvent une source d'eau saumâtre qui leur donnera le précieux sel, sèment du maïs et du blé, dont ils ont retrouvé des graines dans les coutures de vieux sacs, trouvent un arbre à miel, un arbre à café et un arbre à pain, établissent une volière, découvrent du miel, qu'ils disputent à un ours, assistent à des combats d'animaux (serpent contre belette, martre contre porc-épic, serpent contre oriole, cougar contre pécaris), piègent des animaux, apprivoisent un élan et des mustangs. Quand la troupe du narrateur arrive, les colons ont décidé qu'au printemps suivant, ils regagneraient la civilisation pour vendre leurs peaux de castors. C'est ce qui arrivera et on profitera de ce contact avec la civilisation pour marier tous les enfants, après quoi tout le monde regagnera la robinsonade de terre ferme.

Les Robinsons de terre ferme, parus en 1852, sont le premier roman pour garçons écrit par le capitaine Mayne Reid, à partir de ses souvenirs de coureur de prairie, aux Etats-Unis. Le titre original est The Desert Home, Adventures of a Lost Family in the Wilderness, mais le roman est parfois édité en Angleterre comme The English Family Robinson, eu égard au fait qu'il s'agit d'une imitation du Robinson suisse (qui s'appelle en anglais The Swiss Family Robinson).

L'auteur peine quelque peu à trouver sa manière. Les deux premiers chapitres ne sont guère qu'un cours de géographie déguisé en fiction, à la fois lourdement pédagogique et condescendant vis-à-vis du lecteur, et sont sans grand rapport avec le reste du roman. Mais la découverte du campement des Robinsons de terre, qui est pratiquement une colonie extraterrestre (on y trouve des bisons à la place des vaches, des cougars à la place des chats, des loups à la place des chiens, la vaisselle est en bois, etc.), est un réel bonheur romanesque. Et Mayne Reid trouve sa veine, qui consiste grosso modo à remplacer la leçon de catéchisme, obligatoire dans la littérature destinée aux enfants de la moitié du 19e siècle, par une leçon d'histoire naturelle (dont la morale est d'ailleurs identique : la Providence pourvoit à tout !).

Malgré tout, le roman n'est pas exempt de défauts. La succession des découvertes zoologiques et botaniques (tous les animaux et toutes les plantes rencontrés s'avérant utiles à quelque chose) et les dangers évités suscitent un intérêt décroissant chez le lecteur, du fait de leur caractère linéaire. Les personnages sont mal dessinés, et les souvenirs du Robinson suisse (le petit Frank est un bon chasseur, comme Fritz chez le pasteur Wyss) desservent le roman plutôt qu'ils ne le servent. Quand aux deux petites filles, elles n'ont tout simplement pas de fonction dans l'intrigue !

Le capitaine Mayne Reid était meilleur romancier qu'homme d'affaires. Il se ruina, comme son héros, Rolfe, par des spéculations malheureuses et sa production romanesque tardive souffre de son caractère alimentaire. Finalement, le romancier, dont les revers de fortune avaient gravement altéré la santé, trouva le repos non aux Etats-Unis dont il était devenu citoyen, mais dans la verte Angleterre, où il se livra à des travaux agricoles tout en continuant à écrire, notamment des études d'histoire naturelle.

En France, Mayne Reid fit les beaux jours du Journal des voyages dans les années 1890. Il figura tout au long du 20e siècle dans les collections de romans d'aventures destinés à la jeunesse, parfois dans des versions abrégées. Une réédition tardive en collection Omnibus dans les années 1990, qui comprenait notamment les Robinsons de terre ferme, ne se vendit pas et il semble que les romans de Mayne Reid aient fait leur temps.

 

Harry Morgan

 

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