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Psychoanalytical movies - Esquisse d'une cinématographie de l'inconscient


En psychanalyse hollywoodienne, on a gardé la théorie du traumatisme dans la petite enfance, chère aux théoriciens de l'automatisme psychique de la fin du XIXe siècle. C'est ce souvenir traumatisant qui est refoulé (et non le désir, comme chez Freud) et il suffit de rappeler le souvenir (par le moyen cinématographique de l'analepse ou flash back) pour guérir la névrose.

La psychanalyse hollywoodienne ressortit à ce que nous avons baptisé dans nos Principes des littératures dessinées la pulpitude. Elle permet l'expression de passions excessives, troubles et morbides, avec une forte insistance sur les troubles sexuels et sur les instincts meurtriers. Elle est associée au rêve et au fantasme, et peut prendre toutes les couleurs de l'étrange, de l'onirisme au fantastique pur en passant par le gothique, le grotesque ou l'arabesque.



Cat People (1942) de Jacques Tourneur - Secret Beyond the Door (1948) de Fritz Lang

Le film de Tourneur et le film de Lang donnent deux modalités du film psychanalytique hollywoodien. Tourneur utilise le fantastique comme métaphore de la névrose : Cat People métaphorise la frigidité de son héroïne en expliquant qu'elle se transforme en panthère meurtrière si mari l'embrasse. Lang a recours au gothique psychanalytique : Le mari névrosé de Secret Beyond the Door médite d'assassiner son épouse à cause d'un traumatisme infantile.

Secret Beyond the Door revisite le mythe de la Barbe bleue, en y intégrant les éléments classiques du gothique hollywoodien : le maître du manoir, assassin en puissance, la première épouse, morte dans des circonstances mystérieuses, la famille dysfonctionnelle ou chacun voue aux autres une haine inextinguible. Mais on comprend d'autre part que le texte source ressortit quant à lui au grand-guignolesque des pulp magazines à la Weird Tales. Le mari collectionne des chambres où ont eu lieu des meurtres, qu'il a achetées aux quatres coins du monde et fait transporter dans son manoir. La dernière chambre reste obstinément close. La jeune épouse se demande ce qu'il y a derrière la porte. Lorsqu'elle fait une empreinte de la clé et se glisse dans la pièce interdite, elle découvre que c'est sa propre chambre, autrement dit, que son mari médite de la tuer.

ATTENTION SI VOUS N'AVEZ PAS VU SECRET BEYOND THE DOOR NE LISEZ PAS CE QUI SUIT. NOUS DEFLORONS L'INTRIGUE

Il y a à cet endroit un beau raccourci langien : pénétrant dans la copie de sa propre chambre, la jeune épouse se livre d'abord à une interprétation erronée. C'est la chambre de sa première femme, croit-elle, le pauvre cher homme s'accuse à tort d'être responsable de sa mort, alors qu'elle s'était laissée dépérir. Puis elle s'aperçoit que l'une des bougies dans les bougeoirs est plus courte que les autres, comme dans la chambre actuelle (c'est précisément sur cette bougie qu'elle a prélevé pour faire l'empreinte en cire de la clé fatidique). Elle comprend du coup que c'est sa chambre à elle qui est représentée et que le meurtre n'est pas encore commis.

Cependant le film de Lang s'effondre comme un soufflé. Dans un premier temps, le cinéaste empile trop d'éléments appartenant au monde trouble de la névrose : la secrétaire défigurée-qui-ne-l'est-pas, le fils taraudé par le complexe d'Œdipe qui hait son père, qu'il rend responsable de la mort de sa mère, la sœur envahissante qui étouffe son frère. Tous ces gens quittent en même temps le film, comme s'ils avaient reçu un avis d'expulsion, laissant le mari en proie à ses pulsions meurtrières. Après une fausse fin où le mari tue sa femme, elle réapparaît, l'affronte dans la chambre fatale, réveille le souvenir de l'événement traumatisant et guérit l'époux.

La secrétaire défigurée-qui-ne-l'est-pas est revenue se venger — d'elle et non de lui — et a mis le feu au manoir. Tant mieux ! Sans sa dangereuse collection de chambres fatales, le mari est en bonne voie... Une référence aux théories psychanalytiques selon lesquelles tous les hommes sont des assassins en puissance achève d'obscurcir un film déjà passablement embrouillé dans ses explications.

Harry Morgan

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