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PETITS ÉDITORIAUX SUR LES SIGNES DES TEMPS
CENSURE IMAGIÈRE, TERRORISME, PANIQUE ET PICTORICIDE


PETITS ÉDITORIAUX SUR LES SIGNES DES TEMPS
Politique spectrale

27 mars 2012. — Un spectre hante l’Europe. Il est de type caucasien, il est grand, il a les yeux bleus, un tatouage sur la joue. Sanglé de noir, calme, méthodique, impassible, il distribue la mort. C’est l’ange blond de la mort. Un regard froid, d'une lucidité effrayante. C’est le docteur Mengele, vampire sorti de sa tombe sud-américaine ou, plus vraisemblablement, c’est le nazi de pacotille, tel que l’imagine le cinéma hollywoodien, qui a crevé l’écran et qui vient offusquer le regard de ceux qui ont été témoins des meurtres commis de sang-froid par un monsieur qui, à considérer les choses au grand soleil, et non plus dans la nuit de nos fantasmes, s’avère n’être ni caucasien ni nazi, mais de type nord-africain et de confession musulmane, et qui perpètre ses forfaits au nom de sa religion.
Du reste, que le monsieur soit un islamiste et non un nazi ne change rien à l’affaire. Tous ceux qui avaient attribué le passage à l’acte du tueur en série à l'actuel climat politique, nauséabond et islamophobe, ont, après une brève hésitation, repris... le même discours exactement, en accusant de surcroît les nauséabonds islamophobes de « faire des amalgames ». La preuve que l’islam est en butte au préjugé dans ce pays c’est que, quand un islamiste tue une petite fille de sept ans d’une balle dans la tête après l’avoir traînée par les cheveux, l’indignation du public est extrême.

« Ne pas faire d’amalgame » signifie en théorie « interdiction de confondre musulman et terroriste ». Cela peut à la rigueur se justifier. — Encore qu’on ne voit pas pourquoi les adhérents du mahométisme se verraient octroyer le privilège d’être flattés à chaque moment et en toute circonstance. Le catholique que je suis ne peut avoir une conversation avec un non-croyant sans que celle-ci ne roule, généralement au bout de deux minutes, sur les crimes de l’inquisition et sur la crise des prêtres pédophiles ; nul ne se demande si je suis en butte au préjugé, ni si l’on fait l’amalgame. Je soupire un peu, je lève les yeux au ciel. Je laisse dire.
Enfin admettons. Il ne faut pas faire d’amalgame. Prenons donc exemple sur les autorisés de parole, et voyons comment ils s’y prennent. On commence par se tromper de terroriste. C’est dans l’ordre. Point d’amalgame. Ensuite, on explique que cette bête de proie qu'était Mohamed Merah était un très brave garçon — « un jeune homme très doux, au visage d'archange, au langage policé », a dit son avocat — dont on affiche d’ailleurs le sourire désormais immuable à la une de tous les journaux, sur tous les écrans de télé et sur tous les écrans d’ordinateurs. Pas d’amalgame.
Et comme il ne faut pas faire d’amalgame, les médias ajoutent que tout ce que ce ravissant jeune homme avait à se reprocher, c’était de la conduite sans permis, pour laquelle il avait fait de la taule, ce qui, tout de même, est cher payé, est-ce que les juges, par hasard, ne feraient pas des amalgames ? En réalité, le brave garçon sans histoire, au sourire très doux et au visage d’archange était un psychopathe hyper-délinquant, hyper-récidiviste, hyper-violent, condamné 14 fois pendant sa minorité, attaquant éducateurs et forces de l’ordre, caillassant les bus, et tabassant les petits vieux devant les guichets automatiques des banques pour leur voler leur mois. C’est ce qu’on appelle (pour ne pas stigmatiser) un petit délinquant. Le petit délinquant, c’est bien connu, relève à peine du pénal ; on est à la frontière du droit criminel et de l’assistance sociale.
Bref, à mieux examiner, « ne pas faire d’amalgame » signifie non pas « interdiction de confondre musulman et terroriste », mais « interdiction d’appeler “voyou” un petit voyou musulman ». Et du coup, il se révèle que les pasteurs de l’Église triomphante, qui n’est pas l’Église catholique, mais l’Église de sociologie, — que les journalistes, universitaires, chroniqueurs, philosophes mondains, écrivains à poncifs, etc., qui prêchent la bonne parole — ont le léger défaut d’adhérer à une idéologie qui excuse systématiquement les délinquants. Ce qui, chez les avocats de la défense (il n’est pas accidentel qu’on ait commencé par faire parler l’avocat de Merah), relève de la rhétorique, et vise à obtenir des circonstances atténuantes (une enfance difficile, il regrette, c’est la faute de la société, etc.), constitue dans l'Église de sociologie le fond de la doctrine, et se ramène à une inversion de la culpabilité. J’ai, ailleurs, baptisé cela « morale du perpétrateur » (par opposition à la morale traditionnelle, la « morale de la victime »). Le terroriste est innocent ; les coupables, c’est nous. (« Le criminel n'est jamais responsable de ses actes. Il n'est jamais responsable de rien. Ce sont tous les autres qui sont responsables », a ironisé, non sans droit, Henri Guaino à propos de Merah.) En somme, le terroriste est victime de ses victimes.

Tandis que les médias bien-pensants cédaient à la manie de l'excuse, chaque jour apportait sa révélation et ajoutait surabondamment à ce qui avait semblé la veille le comble de l’ignominie. Le voyou Merah était devenu fou de haine, et était arrivé au terrorisme, simplement parce qu’il lui avait fallu passer à la caisse. À sa majorité, ses sursis étaient tombés suite à un vol de sac à main avec violence. Il avait fait dix-huit mois de cabane. Il n’avait pas pas accepté ce qu’il considérait comme une injustice. (Du reste, les médias en jugeaient là-dessus comme Merah.) Merah était le fils d’un trafiquant de drogue, deux fois condamné et qui avait purgé cinq ans. Et le plus beau : le père du terroriste, qui était retourné en Algérie, annonça qu’il portait plainte contre la France, coupable d’avoir tué son fils. Les terroristes, à ses yeux, c’étaient les policiers. (Et justement, les médias se demandaient s'il n'y avait pas moyen pour eux, façon de reprendre la main, de requalifier en bavure policière la mort de Merah.)

En somme, les bien-pensants se découvrent en fâcheuse posture. Il est aujourd'hui absolument évident aux yeux d'absolument tout le monde que la brigade du politiquement correct fausse la balance, qu'elle excuse systématiquement la violence islamique, quitte à accuser systématiquement les honnêtes gens. Encore une fois, dans cette affaire de tueur en série, on a commencé par nous expliquer qu'un nazi tuait les enfants juifs, puis on a concédé à regret que c'était un islamiste, mais dans les deux cas, on a bien insisté sur le fait que nous étions, nous, les responsables de cette horreur, parce que nous avions fait s'effondrer toutes les lois morales en abordant le sujet du halal, c'est-à-dire en demandant, non certes qu'on mît fin à la vivisection dans nos abattoirs (nous ne l'eussions pas osé), mais en priant qu'on ne nous fît pas manger, moyennant un tour de passe-passe avec les étiquettes, cette viande issue de la vivisection. Et voilà, nous dit-on, pourquoi Merah a tué. C'est Merah qui a tiré mais il paraît que nous sommes, nous, moralement responsables de la mort des victimes de Merah. Je suis le plus pacifique et le plus tolérant des hommes et je crois bien que je n'ai, de toute ma vie, levé la main sur quelqu'un. Mais je ne réponds pas de moi si quelqu'un incrimine devant moi, pour expliquer les tueries de Toulouse, « les déclarations à l'emporte-pièce sur la viande halal », ou « les débats malsains qui stigmatisent ».

Et les autres, tous les autres ? Les musulmans, en somme. Qu’a-t-on fait des musulmans ? Est-ce qu’au moins on a évité de confondre musulman et terroriste ? (Car le musulman est fragile, il n’est pas comme le catholique, qui rit d’un bon rire quand on lui dit que Pie XII était nazi.) Ma foi, c’est le plus beau de l’affaire. Dans ce démasquage général, il n’a pas suffi qu’on démontre avec éclat qu’un voyou islamisé avait droit à tous les certificats de vertu, et que les salauds qui les lui signaient se faisaient passer eux-mêmes pour l’incarnation de la vertu. On a aussi vérifié que, sous prétexte de « ne pas faire d’amalgame », on faisait tout, absolument tout, pour protéger l’extrême islam, celui qui porte la guerre sur le territoire national, et qui menace directement la communauté nationale (et qui menace au premier chef nos compatriotes de confession musulmane, qui ont parfois quitté leur pays d’origine précisément pour échapper à ces extrémistes). Le terroriste Merah filme ses méfaits et il envoie le film à Al Jazeera, qui est donc la chaîne des terroristes, et non, comme le prétendent nos journalistes et nos experts, le ferment de la démocratie dans le monde arabe. L’UOIF organise comme chaque année son grand congrès antisémite et invite de grands prédicateurs cathodiques, qui sont fameux à juste titre pour réclamer qu’on tire à vue sur les petites filles juives. Et comme la population proteste trop, le gouvernement interdit de visa ces prédicateurs, à quoi les grands médias réagissent en disant que l’on flatte la bête immonde dans un but électoraliste.
Et pendant ce temps, les pairs de Merah se répandent sur Facebook pour expliquer que ce qu’a fait Merah n’est peut-être pas bien mais que lui, Mohamed Merah, en tout cas, était un type bien. Et d’autres bêtes de proie répandent un peu partout des graffiti à la gloire de Merah. Et comme tout le monde a bien peur, on en profite habilement pour pousser ses pions, on exige, on menace de façon voilée, ou à peine voilée. Un imam de Bordeaux, Tareq Oubrou, que tous les médias présentent comme le parangon de la modération, réclame rien de moins qu’une falsification historique : « Il faut que l’histoire de la France soit réécrite à la lumière de la présence musulmane aujourd’hui. (..) Cela permettrait aux jeunes de culture musulmane de se retrouver dans le programme enseigné à l’école et de ne pas se sentir stigmatisés. » On va donc récrire l’histoire de France sur des bases hallucinatoires, afin de flatter toujours davantage la vanité musulmane, et sous la menace de nouvelles tueries.