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Splendeurs des Munsey Magazines

• Les mondes d'Abraham Merritt.

The Moon Pool, All-Story, 22 juin 1918, Conquest of the Moon Pool, All-Story, 15 février 22 mars 1919, The Face in the Abyss, Argosy-All-Story, 8 septembre 1923, The Snake mother, Argosy, 25 octobre 6 décembre 1930

La nouvelle fantastique The Moon Pool raconte comment, dans l’ensemble monumental de Nan-Matal (qui existe réellement sur l’île de Ponape, actuelle Pohnpei, Micronésie), une divinité émergeant d’un temple hermétiquement clos, attirée par les rayons de la Lune, dévore les membres d’une expédition scientifique. Elle vient chercher en pleine mer, à la fin du récit-cadre, le narrateur dudit récit. (L’influence de la romancière Francis Stevens, autre pionnière des Munsey Magazines, dans lesquels officiait Merritt, est ici flagrante.)
Dans le roman d’aventures Conquest of the Moon Pool, un trio d’aventuriers, dont Goodwin, l’auditeur du récit-cadre de The Moon Pool, franchit l’huis et aboutit, après une glissade dans une nacelle de pierre, dans une civilisation perdue, sous le Pacifique, Muria, autrement dit Mu ou la Lémurie.
Muria est une société brutale où la caste dirigeante, de pure race polynésienne, règne sur les sangs mêlés, à cheveux blonds et peau blanche, en les donnant en pâture au monstre du bassin lunaire, que les naturels appellent The Shining One. En arrière-fond, on trouve, reclus dans un temple, les trois Silencieux, des géants reptiliens, derniers descendants d’une ancienne race cosmique, les Taithu, qui régnait autrefois sur les humains. Les Taithu utilisent comme janissaires des hommes-grenouilles. Ce sont les Taithu qui ont créé The Shining One, comme un instrument scientifique. Mais leur péché d’orgueil a fait du Shining One une incarnation du Mal. L’arrivée des gens de la surface précipite le combat final entre caste dirigeante polynésienne employant le Shining One et rebelles à peau claire utilisant les troupes d’hommes-grenouille. Le personnage héroïque, l’Irlandais O’Keefe, initialement déchiré entre la sombre prêtresse du Shining One et Lakla, la blonde vestale des trois Silencieux, se déclare finalement pour celle-ci. Le couple se sacrifie pour tuer le Shining One, seul l’amour pouvant vaincre l’incarnation du Mal. Les proies du Shining One, qui sont incorporées à lui dans un état crépusculaire entre vie et mort, sont libérées.
Dans The Face in the Abyss, le protagoniste, Graydon, qui cherche l’or des Incas dans les Andes, pénètre dans un monde fantastique, guidé par une jeune femme d’une beauté surhumaine, Suarra. Les trois compagnons de Graydon, qui sont des crapules, sont fascinés par le visage dans l’abîme, un immense visage sculpté qui ruisselle d’or, et deviennent eux-mêmes des larmes d’or. Graydon est sauvé par l’intervention psychique de la Mère-Serpent (un serpent géant à torse humain), qui considère d’un œil maternel son amour pour Suarra. Dans The Snake Mother, ce qui était jusque là fantastique — des cors féeriques et des êtres ailés invisibles défendant la vallée, une surabondance d’or et de métaux précieux, la représentation contemporaine de dinosaures sur le bracelet de Suarra, puis de vrais dinosaures, portant des cavaliers et chassant des hommes-araignées — s’organise comme les éléments d’un monde de fantasy. Yu-Atlanchi abrite une race blanche hyperboréenne d’immortels dégénérés, appuyés sur une soldatesque d’hommes-lézards. Les hyperboréens ont domestiqué des dinosaures et créé les malheureuses araignées humaines par manipulation génétique, pour en faire des tisserands. Quand ils ne chassent pas les hommes-araignées, les Atlantes se consacrent à la fabrication de mondes de rêves, qu’ils ne quittent plus. Cependant une faction des hyperboréens, rétive à l’avilissement général, a fait sécession, et il existe une guerre civile larvée. La Mère-Serpent, dernière de sa race, dispute la vallée perdue à Nimir, incarnation du Mal, d’abord présent dans le Visage dans l’abîme, mais qui prend une forme corporelle au cours du roman et qui essaie de voler le corps de Graydon. Après un combat apocalytique et la victoire finale, la Mère-Serpent rétablit la mortalité parmi les hyperboréens. Yu-Atlanchi cesse d’être une civilisation perdue, mais il demeure interdit à l’humanité d’y pénétrer

Abraham Merritt (1884-1943) eut une énorme influence sur la littérature des pulp magazines (à commencer par Lovecraft). Il exerça une véritable fascination sur ses lecteurs des années 1920, en leur donnant une permission de rêver. L’attrait de ses récits fut non moindre pour la génération suivante, puisque la réédition de ses récits dans le pulp Famous Fantastic Mysteries à partir de 1939, déclencha un engouement fanique marqué par un vocabulaire ad hoc (un récit de civilisation mystérieuse signé par Merritt devenant un Merrittale).
Deux lois président aux univers fictionnels de Merritt. En premier lieu, ce qui est présenté d’abord ostensiblement comme relevant du surnaturel est, dans un second temps, rationalisé comme relevant du roman de science-fiction, avec races extraterrestres immémoriales à la science très avancée. Deuxièmement, les mondes de bric et de broc de Merritt sont bâtis à l’aide de petits morceaux de mythologie, détachés et collés bout à bout.
Littérairement, si l’on excepte les nouvelles, l’œuvre de Merritt décourage le lecteur moderne. Ses récits obéissent aux conventions de la littérature américaine la plus populaire, celle des Munsey Magazines puis des pulps. Le romancier tire à la ligne. Personnages et événements sont des poncifs. Dans Conquest of the Moon Pool, le personnage du traître est si parfaitement conventionnel que, de Boche qu’il est au départ, Merritt peut, en changeant quelques mots, en faire un Russe dans la version en volume (The Moon Pool, Putnam, 1919).
Cependant, le problème principal que pose au lecteur la fiction de Merritt provient précisément de la confusion qu’il introduit, entre surnaturel et science-fiction.

À mieux examiner, ce changement d’ordre se bifurque. Il y a, premièrement, passage du fantastique à la fantasy, accompagnant le passage de la nouvelle au roman. Dans un deuxième temps, à l’intérieur du roman, ce qui ressortissait au surnaturel est soudain mis au compte d’une science conjecturale.
Examinons d’abord le changement du fantastique à la fantasy. Dans le cycle du « bassin lunaire » comme dans celui du « Visage dans l’abîme », on se trouve initialement devant une nouvelle fantastique (The Moon Pool, All-Story, 22 juin 1918, The Face in the Abyss, Argosy-All-Story, 8 septembre 1923), à laquelle est emmanché tant bien que mal un roman de civilisation perdue, sans grande originalité ni grand souffle épique (Conquest of the Moon Pool, All-Story, 15 février 22 mars 1919, The Snake Mother, 25 octobre 6 décembre 1930).
Dans le cycle du « bassin lunaire », ce changement d’ordre est clairement manifesté par le changement de fonction du temple de Ponape. Dans la nouvelle, le temple est un topos fantastique : la crypte d’où émerge un monstre. Dans le roman, il devient un topos propre à la littérature de fantasy : l’espace liminaire donnant accès au monde perdu. (En effet les mondes perdus sont soit séparés par des espaces interstitiels, le plus souvent chaotiques, le désert, la chaîne de montagnes, la banquise, le dédale souterrain, soit protégés par des membranes, qu'il est alors nécessaire de traverser.)
Cependant ce premier passage, d’une forme littéraire à l’autre — de la nouvelle au roman populaire —, et d’un genre littéraire à l’autre —  du fantastique à la fantasy —, pourrait se faire sans problème majeur. On passe — c’est la distinction classique, en théorie littéraire francophone, entre le fantastique et le merveilleux — d'une étrangeté incidente (irruption d’un monstre, bref passage dans un univers incompréhensible) à une étrangeté ambiante, celle d’un monde dont les lois diffèrent de celles du monde naturel, mais sont connaissables, et sont du reste dérivées des lois du monde naturel. Le lecteur qui lirait chacun des cycles dans sa continuité (par exemple dans leur version condensée, en volume) pourrait du reste considérer que le fantastique initial ne constitue rien d’autre qu’un « aguichage », l’auteur nous présentant d’abord de façon anomalique ce qu’il nous présentera ensuite comme les éléments d’un monde parfaitement construit. Dans les deux cycles, la structure des deux mondes de fantasy est du reste parfaitement identique : partage entre une caste dominante (les polynésiens, les hyperboréens) et des déclassés (les sang mêlés blancs, les hyperboréens rebelles), présence de races infrahumaines servant de troupe (les hommes-grenouilles, les hommes-lézards), présence d’un monstre incarnant le mal (The Shining One, le Visage dans l’abîme), présence de divinités archétypales dernières survivantes de races cosmiques (les trois Silencieux, la Mère-Serpent). La structure du récit est elle aussi identique, depuis l’apparition initiale au héros de la jeune fille virginale (vision de la vestale Lakla au-dessus du bassin lunaire, arrivée de Suarra au bas de la montagne andine) jusqu’à la bataille finale entre les forces du Bien et du Mal.
Reste que le changement d’ordre, du fantastique à la fantasy, n’est pas sans conséquences éditoriales. Considérons la réédition de ces récits dans le pulp Famous Fantastic Mysteries. The Moon Pool et le roman qui le suit ne posèrent pas de problème. La revue publia la nouvelle dans son premier numéro (daté de sept.-oct. 1939) et commença la publication du roman, en six livraisons, à partir du numéro suivant (novembre 1939). Mais, un an après, les éditeurs choisirent de rééditer le même mois The Face in the Abyss dans le pulp proprement dit (daté d’octobre 1940, couverture de Virgil Finlay) et le roman The Snake Mother, dans la revue-sœur, Fantastic Novel (daté de novembre 1940, couverture du même Virgil Finlay), en renvoyant à la nouvelle à la fin du roman, mais en insistant sur le fait que les récits pouvaient se lire indépendamment. S’il y a ici un scrupule d’éditeur (depuis août 1940, le pulp ne proposait plus que des récits complets et il fallait éviter de donner au lecteur l'impression qu'on revenait à une parution par livraisons), le choix initial de répartir la nouvelle et le roman sur deux supports montre bien que les éditeurs avaient conscience de leur différence de nature.

Venons-en au second changement d'ordre opéré par Merritt. Cette fois, c’est à l’intérieur même du roman de fantasy que se fait ce changement, ce qui était de l’ordre du surnaturel (et qui restait compatible avec le merveilleux ambiant de la fantasy) étant rationalisé en roman scientifique. Ainsi, les être surnaturels que sont les trois Silencieux, dans le cycle du « bassin lunaire », et la Mère-Serpent dans le cycle andin, sont présentés comme les derniers survivants d’une race cosmique à la science extrapolée. Quant aux références scientifiques (censées expliquer tout ce qui relève apparemment du fantastique, du merveilleux ou du surnaturel), elles incluent, dans Conquest of the Moon Pool, une théorie de la matière comme lumière gelée, une théorie de la radioactivité, mais aussi une théorie de la quatrième dimension (l’apparition au-dessus du bassin au monstre de la vestale des trois Silencieux est le bout d’une chaîne d’images d’elle-même, ce qui est décrit comme une vision de la quatrième dimension par un être tridimensionnel). À quoi se rajoutent des théories cosmologiques : la caverne sous-marine de Muria, qui s’étend apparemment sous la plus grande partie du Pacifique, est le trou laissé par la Lune lorsqu’elle s’est formée à partir de la Terre. Dans Conquest of the Moon Pool, pour ce qui est de la technique, on trouve désintégrateur, manteau d’invisibilité, rayon à antigravité (qui sert d’arme).
Quant à la Mère-Serpent, elle a dans son atelier, outre ce que le roman nous a déjà présenté (machines à immortalité, machines à concrétiser les rêves, ingénierie génétique) explosifs surpuissants et vaisseau spatial. Cependant aucun de ces équipements n’explique dans The Snake Mother la présence initiale du visage maléfique sculpté sur la falaise, ni la présence de Nimir comme incarnation du Mal !
Tel est précisément le problème que Merritt s'est trouvé incapable de résoudre. Ces deux ordres, du surnaturel et du roman scientifique, ne coïncidant jamais, ils ne peuvent par voie de conséquence rien justifier. Merritt débouche dès lors dans la contradiction pure et simple. Il a beau nous expliquer que les Silent Ones sont une très ancienne race extraterrestre. Reste qu’ils sont bel et bien décrits comme des dieux (Larry O'Keefe et le narrateur ressentent leur divinité et se mettent spontanément à genoux devant eux). Ici, la meilleure explication (mais que Merritt se garde bien de donner !) serait d’ordre gnostique. Les Silent Ones seraient bien des dieux, mais des dieux, sinon mauvais, du moins imparfaits, puisqu’ils ont créé le Shining One comme une expérience scientifique, qui a mal tourné parce qu’ils y ont incorporé leur propre orgueil.
Même contradiction dans The Snake Mother, à propos du personnage éponyme. Adana est présentée explicitement comme un être surnaturel, et comme un archétype féminin et maternel. Cependant tous ses pouvoirs sont donnés comme le reliquat des connaissances scientifiques de sa race. Mais dès lors, il faudrait expliquer l’ascendant qu’elle a sur ses protégés, Suarra et Graydon, par quelque mécanisme psychologique (ils en feraient, eux, un être surnaturel, qu’elle ne serait pas en réalité). Or Merritt ne fait rien de tel. Le personnage reste une déesse-mère serpentiforme, pour les personnages comme pour le lecteur, bien que l’auteur prétende obstinément qu’il s’agit « seulement » de la dernière survivante d’une race extraterrestre.
Chez Lovecraft, au contraire, qui emprunte à Merritt ce motif de la Vieille Race, les deux ordres, fantastique et rationnel, sont réunis par une réaction thymique. Lovecraft est un auteur essentiellement phobique, et la découverte des traces des Grands Anciens (qui sont, comme chez Merritt, venus des profondeurs du cosmos) déclenche chez les protagonistes, comme chez le lecteur et chez l’auteur lui-même, une peur bleue : la terreur et l’horreur unifient le fantastique et la conjecture scientifique.
Merritt lui-même était apparemment conscient de la difficulté de jointoiement de ses nouvelles fantastiques et de ses romans d’aventures mystérieuses mâtinés de science-fiction, et peut-être des défauts des romans eux-mêmes, puisque, dans les deux cas, il récrivit aussitôt ses histoires en les contractant (The Moon Pool, Putnam, 1919, The Face in the Abyss, Liveright, 1931). [Je précise que ce sont ces versions réduites qui sont disponibles en français. L’examen scientifique ne peut naturellement se faire que sur les versions intégrales.] Cependant la contraction à laquelle a procédé Merritt ne fait que mettre en lumière les défauts de ces fictions (qui perdent inopinément leur caractère fantastique au début d’un chapitre et qui perdent leur caractère surnaturel au détour d’un paragraphe), en les privant de surcroît d’une partie de leur charme, puisque des péripéties sont coupées et que les descriptions sont abrégées.

Les récits de Merritt présentent un second ordre de difficultés, connexe au précédent, Merritt semblant considérer, nous l’avons dit, qu’il peut bâtir ses univers de fantasy en empruntant ad libitum à la mythologie comparée. Dans Conquest of the Moon Pool, la seule qualité d’Irlandais de l’aventurier O’Keefe, permet de réunir sur sa tête, pour ainsi dire, l’ensemble de de la mythologie celtique irlandaise, et la blonde vestale des trois Silencieux est elle-même considérée, au moins par le personnage de l’Irlandais, comme liée mythiquement à la verte Erin. Quant au personne du marin Scandinave, qui participe lui aussi à l’expédition, il devient plus ou moins fou, du fait que The Shining One a dévoré sa femme et sa fille, et il interprète tout ce qu’il voit dans le monde souterrain en termes de mythologie nordique. Un tel personnage semble porteur des défauts de l’auteur lui-même !
Dans The Face in the Abyss et The Snake Mother, le personnage éponyme est certainement inspiré de lectures sur le personnage de Lilith. Les invisibles serpents ailés qui gardent le monde clandestin sont apparemment liés au serpent à plume des mythologies mésoaméricaines (cependant on est en théorie dans les Andes et non au Mexique !). Mais le cycle présente aussi deux vieillards mutiques à grand bâton, the Lord of Fools et The Lord of Fate, qui sont à l’évidence liés à une divinité inca munie d’un bâton (le staff god des américanistes), sans que leur rôle soit jamais élucidé.
Merritt semble donc considérer que toute référence à quelque mythologie que ce soit s’intègre automatiquement dans un univers de fantasy, comme si ce récit était lui-même une actualisation d’un grand mythe unique. Certes ce procédé fonctionne dans une certaine mesure, du fait qu’un tel univers présente [comme nous espérons l’avoir amplement démontré dans le cas des littératures dessinées] des mondes clos et composites, régis par un principe d’auto-organisation. Mais ce principe n’est pas sollicitable à l’infini et, en passant du fantastique à la fantasy, et du surnaturel à la conjecture scientifique, Merritt glisse, sur ce plan de l'emprunt mythologique, une fois encore, du mystère à l’incohérence.

Achevons sur deux remarques annexes. Si du fantastique on « monte » à présent jusqu'au plan métaphysique, on repère chez Merritt la gestion maladroite d’une autre problématique, qui est celle du Mal. Merritt est partagé entre une vision chrétienne et une vision manichéenne, à laquelle le romancier n’ose se donner tout à fait. Du côté de la vision chrétienne, on repère le Shining One, qui incorpore les âmes de ses victimes et constitue donc en tant que tel des sortes de limbes ambulantes, mais qui est vaincu par l’amour ; ou encore le Visage dans l’abîme qui attire à lui les méchants et les absorbe dans son essence maléfique, mais qui sera détruit par la Mère-Serpent. Du côté de la vision manichéenne, on distingue assez clairement un partage du monde entre deux principes, Bon et Mauvais, incarnés respectivement par les Silencieux et la Mère-Serpent, et par le Shining One et le Visage dans l’abîme). Finalement, ce sont les lois du roman populaire qui font pencher la balance et qui assurent le triomphe du Bien

Une dernière observation a trait aux relations texte-image, étant entendu que toute la fiction populaire de Merritt est illustrée, dans les Munsey Magazines puis les pulps magazines qui la réimpriment (couverture et illustrations intérieures). Or on constate une prédominance de l’imagerie chez Merritt. La lumière (ou l’opposition lumière-ténèbres), le motif de la bulle lumineuse, du grain de lumière ou de la structure granulaire et luminescente, occupent une grande place dans les descriptions d’êtres saillants (le meilleur illustrateur de Merritt est par conséquent Virgil Finlay). Les changements de taille et les changements d’état semblent obéir à la même logique imagière et il est, de ce fait, très difficile de comprendre ce qui se passe lorsque par exemple le Shining One absorbe l’une de ses victimes, ou lorsque les chercheurs d’or crapuleux de Face in the Abyss sont changés en larmes d’or. Les images de couverture, qui se présentent comme énigmatiques, et qui ont pour fonction de donner au lecteur l'envie de lire le récit, sont elles-mêmes la formulation la plus aboutie d'un mystère dont, au-delà des déplacements du fantastique à la fantasy et du surnaturel au naturel, le noyau reste anomalique.

Harry Morgan

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