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Mellek the middle class monster
Il y a une variété d'histoires édifiantes dont le but est non de nous rendre meilleurs mais de nous faire sentir meilleurs que nous ne sommes.
Le tour de main est de nous permettre de croire que nous reconnaissons sous sa monstruosité un de nos frères humains (ce qui nous vaut d'être violemment émus par notre propre largeur de vue) alors qu'en réalité nous n'éprouvons qu'un vif contentement mêlé de soulagement, à l'idée d'être normaux.
Pour que le truc fonctionne, il faut que le monstre soit acceptable, l'équivalent monstrueux du bon nègre ou du pauvre méritant. Dans le cas contraire, nous ne ressentirons face à lui que de l'horreur et nous ne pourrions jouir ni de notre infinie miséricorde ni même d'être une créature si parfaite.
L'origine sociale du monstre a donc une importance essentielle. Ceux de Freaks nous mettent mal à l'aise non parce qu'ils sont siamois, femme à barbe etc, mais parce que ce sont des forains, c'est à dire des membres des classes dangereuses.
Mellek le monstre, bien qu'il soit obligé de se promener avec un sac sur la tête, percé de deux trous pour les yeux, accède à l'humanité le jour où il parvient à se faire faire un chapeau melon assez large pour son crâne. Il quittera le cirque où il n'était pas heureux pour un emploi de bureau modeste mais digne. Et s'il construit, le dimanche, une cathédrale en allumettes, ce n'est pas pour montrer qu'il est intelligent, ni même qu'il cache une âme sous ses hideuses difformités, mais pour prouver qu'il est parfaitement digne d'être un petit bourgeois.