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The Adamantine
MISCELLANÉES STRIPOLOGIQUES DE L'ANNÉE 2018
Mythopoeia - Æsthetica - Critica
BANANAS, REVUE CRITIQUE DE BANDE DESSINÉE
N° 10, février 2018
22 Bd du Général Leclerc B5, 95100 Argenteuil
Numéro décennal de Bananas – mais l’éditorial nous rappelle que le directeur-fondateur publie des revues de bande dessinée et/ou de critique sous ce titre, et aussi sous celui de Critix, depuis un tiers de siècle.
Dossier sur l’histoire du syndicalisme, avec la reprise d’un entretien avec Jean-Michel Charlier, datant de 1974, entretien paru initialement dans l’organe officiel du syndicat des dessinateurs, et emprunt d’un pessimisme très typique de la prose syndicaliste.
Témoignage de Pierre Le Goff sur ce syndicat, appelé d'abord Syndicat des dessinateurs de journaux, devenu ensuite Syndicat des dessinateurs pour journaux d’enfants, puis Syndicat national des dessinateurs de presse, recueilli par Évariste Blanchet. Article du même Blanchet sur la tentative, non aboutie, par les dessinateurs français de faire un hebdomadaire pour la jeunesse, Ciné-Images, dans l’immédiate après-guerre.
Réédition de la bande dessinée « Sorge, l’agent qui sauva Moscou », de Le Goff, parue dans Vaillant en 1965.
Article sur les Mange-Bitume de Lob et Bielsa par Pierre-Gilles Pelissier, qui s’efforce de démontrer que cette fable sur une civilisation véhiculaire et autoroutière métaphorise le code même de la bande dessinée.
Transcription de deux tables rondes du Salon des ouvrages sur la bande dessinée édition 2016,
« la légende de Futuropolis », animée par Sylvain Insergueix, et « la sexualité vue par des femmes dans la bande dessinée contemporaine », animée par Jeanne Puchol. En prolongement de cette dernière, article de Renaud Chavanne : « de l’excitation sexuelle des dessinateurs par leurs propres dessins ». Le même propose une note de lecture sur La parodie dans la bande dessinée franco-belge, ouvrage posthume de Pierre Huard.
Longue et fine analyse technique du tracé de Hermann, au Rotring, à l’Artpen et au stylo-pinceau, pour Les Tours de Bois-Maury, signée Daniel Pizzoli
Un numéro plein comme un œuf.
L’AVENTURE (A SUIVRE)
Nicolas Finet
PLG, 2017
Édition revue et augmentée, à l’occasion du 40e anniversaire de la revue, d’un ouvrage de 2004. Une histoire de la revue (A Suivre), entrecoupée de 25 entretiens avec les auteurs historiques du mensuel, entretiens qui contrebalancent le ton quelque peu apologétique qu’emploie l’historien. Sont mis en exergue 39 portraits de personnages et 11 auteurs de la revue, chacun étant présenté en une page. L’auteur a très heureusement renoncé à un « pendant ce temps » consacré à l’actualité nationale et internationale qui n’apportait rien au propos.
L’ANTI-ATOME : FRANQUIN À L’ÉPREUVE DE LA VIE
Nicolas Tellop
PLG, Collection Mémoire Vive, 2017
Lecture poétique de l’œuvre de Franquin, à la lumière des philosophes Bachelard, Bergson, Deleuze et Leibniz. L’auteur part de cet objet incongru qu’est l’Atomium, ce cristal de fer agrandi 165 milliards de fois, qui constitue le pavillon belge de l’exposition universelle de Bruxelles de 1958, et qui donna – mais presque vingt ans plus tard – son nom au « style atome », ainsi baptisé par le dessinateur Joost Swarte, ce néo-futurisme, ou néo-Art déco des Trente Glorieuses.
À partir de là, notre essayiste examine dans l’œuvre de Franquin les deux thématiques que sont la poétique de l’échelle, qui est plutôt en l’occurrence celle de la perte de l’échelle (étude de l’agrandissement et du rapetissement des objets dans Spirou et Fantasio), et celle de la représentation du design typique des années 1950 (dans Modeste et Pompon). L’auteur finit par une analyse détaillée de Z comme Zorglub, en filant la thématique du renversement d’échelle et de la miniature, qui débouche sur celle du factice.
L’auteur conclut, comme il est de règle dans ce type d’ouvrages, sur la conformité des codes même de la bande dessinée avec les notions étudiées – la case de bande dessinée constituant elle-même une miniature, et étant inscrite dans l’ordre du factice. On peut regretter que l'investigation n’ait pas étendu le point de vue au-delà de l’école belge. Ce que l'auteur appelle par convention « style atome » est un phénomène mondial, et les mangas des années 1950 d’un Osamu Tezuka « riment » extraordinairement avec les bandes dessinées de la même époque d’un André Franquin. On aurait pu souhaiter également que, au-delà des considérations sur la case comme monade et comme microcosme, l’auteur relève la perte des échelles comme une constante structurelle des littératures dessinées, où taille, temporalité, mouvement, etc. sont par définition arbitraires (ou adimensionnels), et où il n’est jamais possible de déterminer a priori si ce qui nous est donné à lire constitue un événement considérable qui est embrassé en prenant du recul, ou s’il s’agit d’un événement infime mais examiné pour ainsi dire à la loupe, incertitude principielle qui n’aura pas échappée aux auteurs des « romans graphiques » aujourd’hui à la mode.