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MISCELLANÉES STRIPOLOGIQUES DE L'ANNÉE 2017

Mythopoeia - Æsthetica - Critica

BANANAS, REVUE CRITIQUE DE BANDE DESSINÉE
N° 9, février 2017

22 Bd du Général Leclerc B5, 95100 Argenteuil

Toujours dense et d’un remarquable éclectisme, ce numéro de Bananas comprend un très long entretien avec François Ayroles, complété par une spirituelle bibliographie sélective et commentée, par Philippine de Ternemolesse. Manuel Hirtz se penche sur le fantastique chez Raymond Cazanave. Jean-Jacques Lalanne propose un commentaire de planche d’Yves-Le-Loup, sans se résoudre à conclure que la série est dans ses thèmes et dans sa facture un Prince Valiant à la sauce communiste. Un entretien avec Willy Vandersteen réalisé en 1982 par Yves Frémion, suivi d’un panorama synthétique de la série par Pascal Lefèvre. Article de Pierre Gilles Pélissier sur Alabaster d’Osamu Tezuka. Transcription de deux tables rondes du Salon des Ouvrages sur la bande dessinée, la première, « traduire la bande dessinée », animée par Thierary Lemaire, met aux prises Harry Morgan, Jean-Paul Jennequin, Alex Nikolavitch, la seconde, « fabriquer la bande dessinée », animée par Christian Rosset, fait intervenir Philippe Capart, Philippe Ghielmetti et Gautier Ducatez.
Enfin, dix pages écrites par Évariste Blanchet à la première personne, sur l’album de Cyril Pedrosa, Les Équinoxes. Et on finit par une brève recension du petit livre de Fabrice Neaud sur le droit d’auteur.

LA BANDE DESSINÉE AU TOURNANT
Thierry Groensteen
Les Impressions Nouvelles, 2017

Nouvel état des lieux de la bande dessinée, dix ans exactement après celui établi par le même auteur dans Un objet culturel non identifié (L'An 2, 2006). Si la pénétration de l’analyse et la faculté de synthèse de l’auteur forcent l'admiration, on peut se demander s’il ne pèche pas par optimisme. Car enfin, quelle bande dessinée, pour quel tournant ? L’excellent dessin de couverture d’Alexandre Clérisse montre de façon caractéristique une route sur pilotis qui tourne court au bord d’un à-pic.
Le paysage que peint insouciamment Thierry Groensteen est un paysage dévasté. La production éditoriale est caractérisée par une fuite en avant, au détriment des auteurs, dont le statut relève désormais du précariat. La situation n’est pas plus brillante sur le plan culturel. Le statut de la bande dessinée s’est certes considérablement amélioré, mais c’est dans le cadre d’une culture tombée au dernier degré de la superficialité, dont les arbitres sont les médias de masse. Si la réédition des classiques est un phénomène indéniable, elle représente une goutte d’eau dans la production et elle n’intéresse qu’une infime fraction d’esthètes, les médias étant incapables d’assurer le rôle de prescripteurs, faute de connaissance suffisante du médium. Certes la bande dessinée fait l’objet de recherches universitaires, et les chercheurs qui s’y intéressent n’ont plus rien à envier aux exégètes opérant hors université, mais il n’y a toujours pas d’enseignement universitaire spécialisé du domaine et il n’y en aura jamais, les formations supérieures existantes étant destinées à de futurs praticiens du médium.
Quant aux mouvements dégagés par l’auteur, tels que l’émergence de nouveaux genres (reportage, vulgarisation), la féminisation de la profession, la muséisation de la bande dessinée (et la spéculation sur les planches originales), qui sait s’il n’apparaîtront pas dans vingt ans comme plus révélateurs des lubies d’une époque que de l’évolution de la bande dessinée elle-même.
La conclusion de l’ouvrage montre bien toute l’ambiguïté de la situation actuelle de la bande dessinée, puisque Thierry Groensteen réaffirme les potentialités créatrices d’une forme d’expression qui a pris conscience d’elle-même, tout en paraphrasant un discours économiste pour appeler les éditeurs à la raison et à la restriction, via de nécessaires ajustements du marché.
On peut noter par parenthèse que l’accession de la bande dessinée à la légitimité était annoncée par ses premiers exégètes. Un Robert Escarpit, écrivant en 1965 (La Révolution du livre, Unesco et PUF) prédisait que la bande dessinée accéderait à la dignité de genre littéraire quand ceux qui en faisaient leur lecture habituelle seraient capables de formuler un jugement esthétique et de le faire entendre. Mais l’histoire est imprévisible par définition et, si un tel changement de statut entraîne forcément des gains et des pertes, les uns et les autres ne sont pas nécessairement ceux qu’on avait escomptés.

ROBERT DANSLER DIT BOB DAN : L’ÂGE D’OR DES RÉCITS COMPLETS
Philippe Aurousseau
Éditions de l’Oncle Archibald, 2016

Biographie succincte mais informée de Bob Dan, accompagnée d’une bibliographie scrupuleuse qui nous présente l’un des plus prolifiques dessinateurs populaires français dont la carrière culmine dans les années 1950. L’iconographie mirobolante fait le prix de l’ouvrage. À signaler quelques documents propres à intéresser l’historien de la bande dessinée française, contrats d’édition et lettres d’éditeurs notamment.

CASE, STRIP, ACTION !
Alain Boillat, Marine Borel, Raphaël Œsterlé, Françoise Revaz
Infolio, 2016

Étude sur les illustrés français et belges entre 1946 et 1959 – un corpus qui a le mérite d’être historiquement cohérent – par des universitaires helvétiques, dans une perspective essentiellement narratologique. L’introduction aborde le contexte historique. Puis nos auteurs se penchent tour à tour sur le découpage des histoires à suivre, sur la temporalité dans les bandes dessinées étudiées, sur le moment prégnant dans l’image. Enfin Alain Boillat propose une longue étude sur l’adaptation des films de long métrage en feuillons dessinés.
À la fois rigoureux et modestes, les auteurs adoptent une perspective résolument pragmatique, tout en étant au fait de la théorie de la bande dessinée. Quand Marine Borel s’interroge sur un sujet aussi délicat que la temporalité dans la bande dessinée, elle produit par conséquent d’excellentes remarques.
Demeure le problème de la valeur intrinsèque des œuvres étudiée, question qui n’est pas abordée, pas même dans une perspective de rendement maximal du médium. On peut se demander ainsi quel est le profit d’une longue comparaison entre le film de Michael Curtiz, L’Aigle des mers (The Sea Hawk), où le code hollywoodien est à sa perfection, et son adaptation par Rémy Bourlès dans L’Intrépide, qui est un travail de commande.

BANDES DESSINÉES ET RELIGIONS : DES CASES ET DES DIEUX
Philippe Delisle (dir.)
Karthala, Collection Esprit BD, 2016

Ces actes de colloque constituent un ensemble d’excellente tenue. Contrairement à ce que sont souvent les colloques, dont les communications sont, par la force des choses, de bric et de broc, le lecteur aura ici, à la fin de sa lecture, un bon panorama du sujet.
La première moitié de l’ouvrage est consacrée à la bande dessinée franco-belge, qui a fait l’objet de maintes études de Philippe Delisle. Celui-ci nous donne ici une excellente étude sur la bonne mort dans la BD belge des années 1930 à 1950. À noter aussi un article d’Yves Krumenacker, bien informé et faisant preuve de discernement sur le plan esthétique, sur le protestantisme en bande dessinée.
Dans la deuxième partie, consacrée au reste du monde, signalons un article de Harry Morgan sur l’œuvre contestatrice de Justin Green, Binky Brown Meets the Holy Virgin Mary, qui, paradoxalement, apparaît, sur le plan iconique, en relation étroite avec les comics catholiques américains préconciliaires. Plus problématiques sont « Représenter l’islam et les musulmans en BD dans le monde arabe et en Turquie » de Philippe Bourmaud, et « la BD israélienne entre ethos nationaliste et aspirations universalistes » de Vincent Vilmain, qui ont aussi le désavantage de traiter d’objets dont l’existence est précaire.
Et on pousse jusqu’au bouddhisme (Julien Bouvard) et au kimbanguisme (Jean-Luc Vellut).

BD-US : LES COMICS VUS PAR L’EUROPE
Marc Atallah, Alain Boillat (dir.)
Infolio, 2016

« Cet ouvrage réunit des spécialistes de l’étude de la bande dessinée qui livrent une série d’éclairages sur la manière dont les productions culturelles européennes ont diffusé, exploité, reformulé ou détourné l’imaginaire et le langage des comics venus d’Outre-Atlantique ».
Alain Corbellari examine l’influence du Flash Gordon d’Alex Raymond sur E. P. Jacobs. Raphaël Œsterlé analyse l’influence du même Flash Gordon sur les communisants Pionniers de l’espérance de Lécureux et Poïvet. Alain Boillat spectrographie le film d’Alain Resnais I Want to Go Home. Ces trois études, toutes trois excellente, ont le mérite de combiner faculté d’analyse et érudition sans faille.
Gianni Haver et Michaël Meyer se penchent sur le Paperinik (Fantomiald) italien. Jean-Paul Gabillet sur la revue contre-culturelle française des années soixante-dix Actuel, considérée comme un passeur de l’underground américain en France. Harry Morgan parle de l’influence de Jack Kirby sur la série télévisuelle britannique Dr Who.
L’ouvrage se termine par un étrange article de Désirée Lorenz sur La Brigade Chimérique et Masqué de Serge Lehman qu’elle accuse de propager une idéologie d’extrême droite, ce qui a dû beaucoup surprendre l’auteur, dont les opinions d’extrême gauche sont bien connues.