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Notes pour servir à l'histoire du roman planétaire
Michel Meurger, Alien Abduction :
L'Enlèvement extraterrestre de la fiction à la
croyance, Scientifictions, la revue de l'imaginaire
scientifique, vol. 1, n° 1, Encrage, 1995
Sous ce titre digne d'une thèse de sociologie se cache une excellente recension du martien et de l'engin volant dans le roman scientifique, en particulier celui des pulp magazines américains. Meurger montre comment se mettent en place les poncifs de l'extraterrestre à grosse tête, de l'enlèvement d'humains à fin de dissection, de la mise en esclavage des humains, de civilisations clandestines extraterrestres ou d'un gouvernement secret extraterrestre, de l'engin volant plus ou moins lenticulaire ou discoïdal, à travers les pages de la littérature d'imagination scientifique victorienne, de la science-fiction française d'avant 1914, des pulps américains de Gernsback (qui, on l'oublie trop souvent, ont massivement traduit la science-fiction européenne !). La thématique et - ceci est essentiel - l'imagerie de ces productions seront reprise par les bandes dessinées et le cinéma, avant d'être adaptées par les récits d'abductees de la seconde moitié du 20e siècle.
Démarche rétrospective et antireferentialitis
Nous n'avons qu'une critique à adresser à l'auteur : il souffre, comme beaucoup de spécialistes de sciences humaines, d'antireferentialitis aiguë. En clair : pour Meurger, il n'y a que des représentations, et le malheureux qui a l'idée d'invoquer un fait historique se voit immédiatement adresser le double reproche de procéder à rebours à partir d'une représentation postérieure (c'est ce que Meurger appelle une « démarche rétrospective ») et de ne rien ajouter au débat. Exemple : selon Meurger, il n'y a aucun gain théorique à interpréter la vague de dirigeables fantômes qui a terrifié l'Amérique en 1896-97, en termes de proto-soucoupes volantes, comme le font les ufologues, parce qu'on est « trop tôt » et que la soucoupe volante est un mythe technologique « moderne » (qui repose donc sur une technologie extrapolée beaucoup plus avancée que celle d'un dirigeable, même fantôme).
Naturellement, lorsqu'on étudie des objets imaginaires, l'antireferentialitis peut paraître une maladie bénigne (du moment que les soucoupes volantes n'existent pas, ceux qui en voient partout, y compris dans le passé, ont tort de toute façon !). Reste que la démarche de Meurger (comme celle d'une grande partie de ses collègues de sciences humaines, atteints d'antireferentialitis) est rigoureusement antiscientifique, et illogique de surcroît. Admettons pendant deux minutes que les soucoupes volantes existent réellement et visitent la Terre depuis les temps préhistoriques. Un témoin d'une époque quelconque décrira naturellement le phénomène observé dans des termes qui correspondent à la technologie - ou à l'absence de technologie - de son temps : chariots de feu pour Ezechiel, dirigeables fantômes pour un Américain de la fin du 19e siècle. Il s'agit dans tous les cas de représentations (un phénomène nouveau est décrit à l'aide du matériel culturel d'une époque), mais la mise en évidence de ces représentations ne permet absolument aucune conclusion sur la nature du phénomène observé lui-même. Conclure que les observations anciennes ne sont pas des observations de soucoupes volantes parce que les observateurs appartenant à des civilisations préindustrielles n'ont pas le concept d'engin spatial extrapolé, qui est la définition même de la soucoupe volante, revient à dire que l'Amérindien qui a vu un blanc avec un « bâton qui crache la foudre » n'a pas vraiment vu un fusil puisqu'il n'a pas le concept d'arme à feu !
L'antireferentialitis conduit Meurger à compliquer inutilement et de manière pédante sa matière. N'en déplaise à notre auteur, les soucoupistes qui voient des soucoupes tout au long de l'histoire ont tort parce qu'ils se trompent sur les faits, et non parce qu'ils commettent des décalages chronologiques sur des représentations. Un exemple (qui n'est pas dans Meurger) fera mieux comprendre le défaut. Les soucoupistes prétendent que Hildegarde von Bingen a vu des engins volants dans le ciel, alors que la nonne médiévale représente tout bonnement ses hallucinations migraineuses (Lire Oliver Sacks, Migraine, Seuil, 1986 [1970]). Le fait que Hildegarde décrive ses hallucinations en fonction de certaines conventions culturelles (des créneaux et des fortifications) est, on nous l'accordera, complètement hors-sujet : les ufologues ont tort parce qu'ils prennent des fortifications migraineuses pour des soucoupes volantes, et non parce que l'abbesse Hildegarde représente conventionnellement ses hallucinations comme des créneaux et des fortifications !
Voici un autre symptôme flagrant d'antireferentialitis chez Meurger : les métapsychistes ont tort selon notre auteur de chercher chez Lavater des anecdotes spectrales pour leurs traités de parapsychologie, toujours parce que les phénomènes décrits appartiennent à des stéréotypes culturels et des conventions narratives. L'erreur du parapsychologue selon Meurger est donc qu'il « présuppose un vécu, cette fois totalement anomalique, et tente de l'appréhender au moyen d'une phénoménologie spéculative » (p. 27). Mais, ici encore, il est impossible de trancher. Les parapsychologues présupposent que les événements rapportés dans les vieilles chroniques ont un « fond de vérité » (ce qu'ils font est précisément « traduire » ces événements dans leur phénoménologie, en faisant de leur mieux pour ôter les conventions culturelles des récits originaux). Meurger présuppose à l'inverse que ces événements s'assimilent entièrement à une « représentation ». Aucune des hypothèses n'est supérieure à l'autre a priori et il est donc tout à fait abusif d'invoquer les « représentations » pour invalider l'hypothèse du « fond de vérité ».
Meurger succombe également à l'antireferentialitis quand il disqualifie les interprétations psychopathologiques des récits d'enlèvements par les fées ou les esprits. Selon Meurger, la preuve que ces récits ne seraient pas la mythisation d'une crise d'épilepsie, comme le croient par exemple les ethnologues Hartmann et Ranke, c'est qu'ils convoquent des stéréotypes (phénomènes auditifs, moulinets défensifs, rapt aérien, tuméfaction du visage), autrement dit que les récits d'enlèvement sont culturellement déterminés. Mais en admettant que les habitants du Wurtemberg et les Suisses du 16e siècle qui ont décrit de tels enlèvements aient effectivement été victimes de crises épileptoïdes, peut-être induites par une surconsommation alcoolique, ils ont naturellement interprété et raconté ces crises à travers les ressources de leur culture. La mise en évidence de la représentation culturelle ne permet ici encore aucune conclusion sur la nature et l'origine des phénomènes, qui peuvent ou non s'expliquer par des crises épileptoïdes, un enlèvement soucoupique, une affabulation, des réponses dictées par le juge (les abductees de la Renaissance étaient souvent jugés pour sorcellerie), etc.
Il est vrai que Meurger fait apparemment preuve de prudence. Il reconnaît à la fin de son ouvrage l'impossibilité de conclure sur la nature des phénomènes d'enlèvements, aussi bien féeriques que soucoupiques. Puisqu'on ne peut trancher, conclut Meurger, « la question de l'armée furieuse ou des enlèvements soucoupiques ne constituera qu'un prétexte à l'affrontement de deux traditions. Plus féconde [continue notre auteur] nous paraît l'approche qui amène à s'interroger sur les sources et modes de constitution des allégations de Betty Hill. » (p. 249)
Mais, à mieux examiner, Meurger fait bien une hypothèse, qui n'est pas moins forte que l'hypothèse des soucoupistes ou celle des partisans de la crise épileptoïde, et qui est l'hypothèse qu'aucune explication « naturelle » n'est valable, et qu'il n'y a que des représentations. Meurger se montre même ici partisan d'un « programme fort » des sciences sociales : en théorie sociologique pure, l'homo sociologicus, qu'on suppose aveugle à toute réalité objective, échange des représentations, en cherchant à coller le plus étroitement possible à la culture de son groupe, de même qu'en théorie économique pure, l'homo conomicus, supposé entièrement rationnel, échange des biens en cherchant à maximiser son utilité.
Et notre auteur indique avec une candeur désarmante les arrières-pensées du chercheur en sciences humaines. Meurger poursuit ainsi le passage précité : « De quels matériaux [Betty Hill] disposait-elle dans sa culture pour élaborer son récit ? (...) Chercher à répondre à ces questions (...) c'est creuser le contexte et s'intéresser plus à la pertinence socioculturelle des "abductions"qu'à leur réalité. » (p. 249)
En d'autres termes, l'antireferentialitis est une maladie préventive : elle fonde le statut du chercheur, qui, en se cantonnant au domaine des « représentations », échappe à la querelle populaire entre ceux qui croient à la réalité des enlèvements extraterrestres et ceux qui n'y croient pas. Descendre au niveau des faits reviendrait tout simplement pour le spécialiste de sciences sociales à renoncer à son statut de « sachant ».
Curieux mélange de dogmatisme et de pusillanimité ! Pour s'épargner l'inconvénient d'avoir à prendre parti sur une querelle d'experts (les soucoupes volantes existent-elles ou non ?), le spécialiste de sciences humaines va assener que, dès lors qu'on invoque un fait (l'existence ou non des soucoupes), ce n'est plus de la science ! Quitte à nous faire traiter de vieux croûton passéiste, nous avouons préférer la démarche strictement empirique du chercheur ès phénomènes occultes, qui enquête sur chaque cas qu'on lui soumet puis range le dossier, dûment muni d'un tampon : « Pas de preuve » !
Il n'est pas étonnant que Meurger ait, à la fin de son ouvrage, des propos sévère sur William James. James fait la différence entre le « tough minded philosopher » (empiriste et sceptique) et le « tender minded philosopher » (amateur de théories et dogmatique). Les spécialistes de sciences humaines sont les plus « tender minded » de tous les philosophes et il est dommage que le vieux William James ne les ait pas connus !
Les pièges du dogmatisme
Encore une fois, l'antireferentialitis est une maladie bénigne dès lors qu'on examine une littérature (la science-fiction des pulps magazines) et des récits d'abductees, qui constituent par définition des représentations. Le lecteur en sera quitte pour être de temps en temps en désaccord avec son auteur, toujours prêt à s'enflammer contre une thèse empiriste (autrement dit : une explication « naturelle »).
Donnons un seul exemple. Meurger réfute une interprétation néo-psychanalytique (et par conséquent empiriste !) des récits d'enlèvements, d'après laquelle les abductees revivraient le traumatisme de la naissance. Cette école néo-psychanalytique faire valoir à l'appui de sa thèse que les aliens des récits d'enlèvements ont des traits ftaux. Meurger objecte que l'homoncule à grosse tête sort de Machine Man of Ardathia de Francis Flagg, et qu'il est un être ultra-évolué et par conséquence tout le contraire d'un être embryonnaire (p. 249). Mais l'objection ne vaut guère, car rien ne prouve que l'explication du physique des aliens ait percolé dans la culture populaire en même temps que leur image ; en d'autres termes, rien ne prouve que les aliens soient perçus comme une étape postérieure de l'évolution humaine (ils pourraient être perçus par exemple comme les habitants miniatures d'une planète miniature). Même en admettant que l'explication évolutionniste du physique des aliens ait effectivement contaminé la culture populaire, rien ne prouve que l'opposition embryonnaire/évolué ait un sens ailleurs que dans les théories de Meurger (on peut très bien imaginer que la théorie en vigueur dans la culture populaire soit que l'évolution ait doté les aliens de traits ftaux (néoténie) et il n'y a plus alors de contradiction entre les deux termes). On voit que, dans sa hâte de réfuter une explication empiriste, Meurger va contre l'évidence. On pense ce qu'on veut de la thèse néo-psychanalytique, mais il est incontestable que les extraterrestres ont des caractéristiques (petit corps, grosse tête, traits du visage ébauchés) qui, dans notre culture du moins, sont associés à des traits ftaux !
Cette définition restrictive des « représentations », en fonction de ses propres modèles, constitue si l'on veut un deuxième défaut de l'auteur, la restrictivitis, qui vient se combiner au premier, c'est-à-dire à l'antireferentialitis. Meurger se montre, ici encore, tender minded, c'est-à-dire amateur de théorie et dogmatique. Notre auteur est prompt à nous rappeler que les récits d'enlèvements par des fées ne sauraient se comparer aux récits d'enlèvements par des extraterrestres ou qu'un récit de dirigeable fantôme dans un torchon de Hearst dans les années 1896-97 n'a rien à voir avec une soucoupe volante dans un pulp de science-fiction des années 1930. De même, Meurger prend beaucoup de précautions pour éviter toute explication linéaire, du type : les Américains ont lu en traduction Robur le conquérant de Jules Verne et, dans l'hystérie de la crise cubaine de la fin du 19e siècle, ils ont halluciné des Albatros dans la campagne et sur les villes américaines.
Il se trouve, assez curieusement, que les partis pris de Meurger ne nuisent pas à son ouvrage parce que, heureusement pour le lecteur, il y renonce dès lors qu'il considère la publication de nouvelles et de romans d'anticipation, puis de récits d'abductees. Meurger montre comment le mythe soucoupiste évolue à partir des prémices wellsiennes de prédateurs extraterrestres venus dans leurs fabuleuses machines, d'abord en fiction (et ici Meurger a l'immense mérite de montrer que la science-fiction des pulp magazines constitue essentiellement une paraphrase des récits wellsiens du tout début du 20e siècle), puis dans le corpus des récits d'enlèvements. Meurger insiste de plus sur la zone grise entre récit de pulp et témoignage. George Adamski, célèbre « contacté » (Les Soucoupes volantes ont atterri, dans les J'Ai Lu - L'Aventure Mystérieuse de notre enfance), commence par essayer de vendre une nouvelle de science-fiction à un pulp magazine. Réciproquement, les pulps ont constitué une riche source de pseudo-faits et de pseudo-sciences, comme le savent les lecteurs de Martin Gardner (Fads and Fallacies in the Name of Science) : Shaver mystery dans Amazing Stories, et ne parlons pas des élucubrations de John Campbell dans Astounding Stories !
Il semble même que Meurger prenne parfois le contre-pied de ses propres thèse savantes et qu'il mette en évidence des influences directes et linéaires (c'est le cas lorsqu'il attribue à telle nouvelle parue dans tel pulp la fixation de tel élément du mythe, et également lorsqu'il attribue à tel feuilleton télévisuel tel motif qui viendrait enrichir le témoignage de tel abductee).
Imaginaire folklorique et imaginaire scientifique
Sur la distinction entre enlèvement par les fées et enlèvement par les soucoupes, il est curieux de noter qu'une fois encore Meurger est « dans le vrai pour de mauvaises raisons ». Certains folkloristes (Meurger fait de la pâtée pour chats des pauvres Thomas Bullard et David Hufford) et un grand nombre de soucoupistes se retrouvent sur le fait que les récits anciens d'enlèvements par les fées en Scandinavie, par les esprits en pays germanique, etc. constituent le prototype des récits d'enlèvements par des extraterrestres pilotant des soucoupes volantes. Meurger leur donne tort, comme le lecteur l'a déjà compris, selon l'argument qu'un être féerique muni d'une queue de vache, un spectre, une chevauchée fantomatique, etc., ne sont toujours pas des soucoupes volantes et ce que ce qui caractérise le mythe soucoupiste est précisément son aspect rationnel et technologique.
Il y a dans cette position de Meurger du vrai et du faux.
Il est vrai que l'imaginaire scientifique est spécifique et qu'un extraterrestre venu d'une planète extérieure n'est pas une fée habitant sous un tertre (la fée est issue d'un imaginaire folklorique, l'extraterrestre est issu d'un imaginaire scientifique). Il est vrai aussi que la spécificité de l'imaginaire scientifique est précisément son caractère rationnel. (Il y a donc, si on nous autorise un exemple personnel, une différence de nature, en dépit des apparences, entre un récit folklorique où une nuit passée chez les fées correspond à une absence de trente ans dans la temporalité des humains et un récit de science-fiction où un astronaute - ou un abductee - qui vole à des vitesses relativistes passe quelques semaines en croisière mais revient sur une Terre vieillie de plusieurs siècles). Il est vrai enfin que l'imaginaire scientifique est essentiellement un imaginaire technologique. (Il repose sur des inventions, et en particulier sur des machines, et il n'est pas étonnant que les gravures, aussi bien celles du Journal des voyages français du début du 20e siècle que celles de pulps de science-fiction américains des années 1920 et 1930, représentent si souvent des engins volants). Ont tort par conséquent les bonnes âmes qui se contentent d'affirmer que le merveilleux scientifique est une version rhabillée aux couleurs de la modernité du merveilleux féérique, en ayant l'air de dire que l'auteur de ce type de fiction postule une invention là où auparavant on postulait une merveille, dans le même but de montrer de l'extraordinaire. (Ce type d'analyse est tout à fait typique de gens qui n'ont jamais lu une ligne de science-fiction et il agace beaucoup - et à très juste titre - les amateurs de cette littérature !)
Ceci étant, il n'y a aucune objection à considérer que le merveilleux scientifique s'inscrit à la suite du merveilleux logique. La nouvelle d'Ursula Le Guin, « Le Collier de Semlé », rationalise, avec une simplicité qui atteint au génie, l'histoire du voyage chez les fées qui ne dure qu'une nuit pour la voyageuse mais à l'issue de laquelle seize ans sont passés dans le monde des hommes, en racontant dans la prose d'un conte de fées victorien, mais qui sera aisément décodée par des lecteurs de science-fiction, un voyage cosmique à vitesse relativiste.
Il convient donc, ici encore, d'éviter toute dérive dogmatique. Meurger a raison de nous dire qu'un dirigeable fantôme n'est pas un UFO. Mais le dirigeable fantôme et l'UFO réalisent tous deux le motif technologique de la machine céleste et il reste à démontrer que les navires des nuages de la relation de l'archevêque lyonnais Agobard ne font pas partie du même motif. (Après tout, les nefs représentaient, au 9e siècle, le summum de la technologie en matière de transports !) De même, Meurger a raison de nous dire que l'idée darwinienne d'une peuplade évoluée vivant sous terre (The Conquerors de David H. Keller, dans Science Wonder Stories, en 1929 et 1930) n'a rien à voir avec la croyance des sociétés agraires à un petit peuple vivant sous des tertres, mais, si les horribles nabots du Dr. Keller capturent des hommes pour les réduire en esclavage, on peut au moins faire l'hypothèse que le motif prolonge celui des esclaves pris chez les mortels par les fées.
Quant aux arguments de Meurger contre une filiation féérique des extraterrestres (c'est par hasard que les aliens seraient des nabots à grosse tête, parce que les représentations évolutionnistes inspirées par Wells arriveraient à cette figure), ils confinent au parti pris. Si on admet que l'imagerie du roman scientifique, en particulier dans sa version des pulps, a percolé dans l'imaginaire populaire, pourquoi refuserait-on le fait que l'imagerie victorienne des fairy tales perdure dans le même imaginaire ? Inversement, s'il y a tellement de fourmis géantes et autres sales bêtes dans les pulps de science fiction, pourquoi les récits des abductees mentionnent-ils exclusivement des ravisseurs humanoïdes ? Qu'on soit enlevé par des fées ou des extraterrestres, dans les récits donnés pour véridiques d'abductees de la seconde moitié du 20e siècle, on est toujous enlevé par des êtres à forme humaine. Il y a ici une constante que le folkloriste est bien obligé de prendre en compte !
Encore une fois, nous présentons ici des objections d'ordre technique, qui ne nuisent point fondamentalement à un ouvrage excellent. On trouvera avant tout chez Meurger, une belle collection de faits, et en particulier une exploitation systématique des pulps de science-fiction des années 1920 et 1930, dont le lecteur tirera ses propres conclusions. C'est, après tout, la supériorité des démarches empirico-descriptives sur d'autres, plus spéculatives.
Harry Morgan