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EXTRAIT DES
TRANSACTIONS
DU BUREAU IMPÉRIAL DES CHATS
Nouvelle Exégèse des lieux communs
La course-poursuite. L’expression de « course-poursuite » titille la glande à poncifs des gens de médias parce qu’elle leur permet d’opérer un complet retournement de valeurs, en incriminant le fait a priori banal et rassurant que les policiers courent après les voleurs. L’activité policière peut ainsi être rabattue in toto sur l’idée de bavure, une bavure considérée d’un point de vue cinétique, comme une folle poursuite. La course-poursuite introduit à travers des références filmiques l’idée d’une activité à très haut risque (on pense aux poursuites en voitures dans les films de James Bond), voire d’un cafouillage généralisé et frénétique (via une référence plus ancienne, au cinéma burlesque, par exemple les poursuites dans les films des Keystone Kops).
Le journaliste trouve dans l'inversion axiologique ainsi opérée un double bénéfice : 1. Il s’érige en gardien de la morale (c’est lui qui décide où est le bien et où est l’injustice) ; 2. Il fait droit dans une perspective victimaire aux revendications des familles de délinquants qui, après qu’un de leurs membres s’est tué en tentant d’échapper à la police, réclament systématiquement et véhémentement que les policiers soient jugés et sévèrement condamnés, parce qu’ils les tiennent pour « responsables de la mort » de leur proche.
Il peut arriver qu’une course-poursuite se fasse sans poursuivants (cas de l’affaire de Clichy-sous-Bois où des délinquants, se croyant poursuivis, se cachèrent dans une centrale électrique et s’électrocutèrent) ou avec des poursuivants immobiles (cas de l’affaire de Villiers-le-Bel, où les délinquants en mini-moto vinrent s’écraser sur une voiture de police qui redémarrait à un carrefour).Harry Morgan