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L'illettrisme chez les journalistes de la presse écrite

11 février 2012. — « L'écrivain Charles Dickens, sommité littéraire de l'époque et auteur de nombreux succès. » Arnaud Bordas, Le Figaro magazine, 3 septembre 2011.
On ne présente plus Charles Dickens aux lecteurs du Figaro Magazine ! Il est une « sommité littéraire de son époque » — mais naturellement complètement oublié aujourd'hui —, et « l'auteur de nombreux succès » — dont les titres ne disent bien entendu plus rien à personne. À noter que c'est la notoriété qui fait la « sommité » (Dickens, comme nos modernes vedettes des médias, était bien connu pour être célèbre, ou, pour le dire autrement, étant fameux du fait de son renom) — et non le fait en lui-même d'écrire des livres. Bref, Charles Dickens était un « people » de son époque. Sans doute était-il un habitué des plateaux télés victoriens.

« le masque blanc et noir au sourire sarcastique de Guy Fawkes — activiste britannique du 17ème siècle — devenu l'emblème des cyberactivistes » Le Figaro/AFP 11 février 2012
Et voilà ce qui se passe quand on n'enseigne plus l'histoire (on n'enseigne plus l'histoire de France, alors l'histoire de l'Angleterre !). Le pauvre journaliste de l'AFP ne sait pas qui est Guy Fawkes et il dérive la qualité de ce monsieur de celle de ses suiveurs. Si ceux-ci sont des cyberactivistes, Guy Fawkes était forcément un... activiste. Ou bien alternativement, si le scribe sait qui était Guy Fawkes, il ne dispose toujours pas, faute d'études d'histoire, d'un terme adéquat pour le désigner (tel que conspirateur, conjuré, auteur d'une tentative de régicide, etc.). Et le mot moderne qui s'imposerait, celui de terroriste (Guy Fawkes avait tenté de faire sauter le Parlement de Westminster), est précisément le mot interdit, parce qu'un journaliste n'a pas à porter de jugement moral sur les faits de terrorisme (le terrorisme de l'un est la lutte de libération nationale de l'autre et la juste rétribution du blasphème du troisième). Bref, par ce chemin-là aussi, le conjuré catholique Guido Fawkes, qui voulait faire exploser un roi protestant avec son parlement, devient un activiste, exactement comme les Nigériens qui ont décidé de débarrasser le Nigéria des chrétiens, ou les palestiniens qui ont décidé de débarrasser la Judée des juifs.

« Un tableau intitulé Marine nocturne peint en 1913 par Hitler jeune (1889-1945) ». Le Figaro/AFP, 26 janvier 2012.
Comme dans le roman de Daudet, Fromont jeune et Risler aîné, comme avec ces noms d'auteurs que sont J. H. Rosny aîné et J. H. Rosny jeune, il faut distinguer Hitler jeune et Hitler aîné, à cette différence que, dans le cas de Hitler, c'était le même, que le délicat aquarelliste et le type qui déclencha la seconde guerre mondiale et tua les juifs d'Europe étaient un seul et même homme (d'où la coïncidence inévitable des dates, Hitler jeune et Hitler aîné étant tous deux nés en 1889 et tous deux morts en 1945, la même semaine — mieux ! le même jour, et en un même lieu, un bunker berlinois).
Explication probable : dans la métaphysique des journalistes, Hitler était l'incarnation du mal, et l'incarnation du mal n'exécute pas de délicates marines ou des paysages alpestres pleins de vigueur. L'incarnation du mal fait le mal et ne fait rien d'autre. Naturellement, si vous expliquez aux journalistes que la caractéristique distinctive de l'incarnation du mal est précisément de se présenter sous des dehors trompeurs et des faux-semblants enjôleurs, et que cela s'appelle le diable, ils vont vous rire au nez. Voilà encore de ces superstitions médiévales dont notre littérature est farcie, ce qui constitue d'ailleurs une excellente raison pour qu'on ne l'enseigne plus aux jeunes générations.
Cependant, comme ladite jeunesse a flairé du louche, elle se goberge de romans de sorcellerie et se repaît d'imaginations gothiques, parce qu'elle a parfaitement compris qu'il y avait des choses que ses professeurs lui cachaient à dessein et sur lesquelles les médias lui mentaient tout aussi délibérément. Si j'étais millionnaire et que j'eusse du temps libre, je ferais imprimer des éditions en langue vernaculaire du Compendium Maleficarum (1608) de Gaccius (le prêtre ambrosien Francesco Maria Guazzo) et je les distribuerais à la sortie des lycées. Et je titrerais cela Hitler jeune et Hitler aîné. C'est un titre qui en vaut d'autres.