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CINÉMA FRANÇAIS
LES GRANDS FILMS D'HENRI-GEORGES CLOUZOT

LE CORBEAU, LE SALAIRE DE LA PEUR, LES DIABOLIQUES

Visionnage de plusieurs films d’Henri-Georges Clouzot, cinéaste que je n’avais pratiqué que par morceaux. Le corbeau (1943) est très au-dessous de sa réputation. Ce n’est tout simplement pas le film qu’on a cru voir sur la petite ville en proie à la délation, métaphore de la France de l’Occupation, et qui valut à Clouzot une interdiction professionnelle à la Libération, imposée par les communistes. Le film se caractérise par l’incohérence psychologique. Sitôt que l’hystérique qui a couché avec tous les locataires de son frère, y compris le vieillard et le petit scout, tombe enceinte de ses œuvres, le médecin joué par Pierre Fresnay, qui avait pour elle le plus complet mépris, en devient amoureux. Là-dessus, le film s’enfonce dans le mélodrame le plus stupide (Fresnay, qui était neurochirurgien, est devenu gynécologue, nous apprend-il, parce qu’un grand ponte de l’obstétrique, trop malin, a tué sa femme et son enfant). Et la fin est du plus pur grand-guignol. C’est le vieux psychiatre de l’asile (qui est fou, comme tous les psychiatres) qui dictait les lettres anonymes à sa jeune épouse, une névrosée ; il est égorgé finalement par la mère d’un malade qui s’était suicidé à cause d’une des lettres.

Le Salaire de la peur (1953) est un thriller fort efficace, mais comme est efficace un jeu vidéo, où le joueur doit triompher d’épreuves successives — et une telle efficacité se passe entièrement de mise en scène. Le problème est qu’il faut à Clouzot une heure pour installer son action, une heure pendant laquelle il ne se passe rien, et qui ne sert à rien. Charles Vanel (Jo) cabotine, en vieux baron du crime, mais le fait que, dans la seconde partie, il craque et se révèle un lâche, n’est tout simplement pas mis en relation avec la première partie. Ce que le cinéma américain accomplit avec une telle facilité, au point d’en faire son procédé de base — la scène source (par exemple Jo humiliant le brave Luigi), qui est reprise inversée, plus loin dans le film (qui serait ici le même Jo, face au même Luigi, mais un Jo qui ne serait plus qu’une loque en proie à une terreur abjecte) —, Clouzot s’avère incapable de le fournir. Il est vrai qu’il faudrait montrer de surcroît que, sous ses airs de grand seigneur, Jo se montre, dès cette première partie, ondoyant et labile, et que l’apparente révélation de la seconde partie n’en est donc pas une, ce qui excède les capacités du cinéaste.

Les Diaboliques (1955) serait meilleur que les deux films précités, parce qu’on s’attache au couple des deux professeurs lesbiennes, dont l’une est la femme du directeur d’école, qu’elles ont décidé de tuer. Le problème est que, même si on n’a aucune expertise en matière de whodunnit, on devine au bout d’une heure de quoi il retourne (dès que le cinéaste nous livre que, cardiaque, Véra Clouzot, est bien près de mourir de stress, suite à l’inexplicable rémanence du mort). Et malheureusement, une fois qu’on a le fin mot de l’affaire, le film n’a plus rien à nous fournir, ni suspens, ni pittoresque, ni humour.