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EXTRAIT DES
TRANSACTIONS
DU BUREAU IMPÉRIAL DES CHATS
Éponyme. Éponyme désigne la divinité, le héros, qui donne son nom à une cité, une tribu. La divinité éponyme, le héros éponyme. Les éponymes. Littré note que l'archonte éponyme, c'est le premier des neuf archontes d'Athènes, qui donnait son nom à l'année.
Cependant tout cela est de peu d'intérêt pour le journaliste, qui a souvent besoin d'écrire « du même nom » (la société du même nom, la revue du même nom, le site internet du même nom, la pièce de théâtre du même nom que le roman dont elle est tirée) et qui a décidé qu'« éponyme » faisait distingué. Donc éponyme désignera dorénavant, non la personne qui donne son nom, mais l'institution à qui ce nom est donné. « Arianna Huffington, fondatrice du site éponyme américain » (AFP-Le Figaro, 23 janvier 2012) Et dans l'usage élargi, éponyme ne désignera pas ce qui donne son nom, mais ce à quoi ce nom est donné : « Le groupe Evanescence dévoile le clip de son nouveau single, “My Heart Is Broken”, Voilà de quoi promouvoir leur nouvel album éponyme. »
Contextualisation Antonyme : essentialisation. Il faut toujours contextualiser. Si quelqu'un ne contextualise pas, l'accuser d'essentialiser. Permet de contredire l’adversaire à bon marché, en donnant l'impression qu'il a commis une énorme bévue (faute d'avoir vu le fameux « contexte ») et, dans les cas graves, qu'il est coupable d'une sorte de racisme vis-à-vis des idées (le fameux « risque d'essentialisation »). Très utilisé chez les islamistes (il faut contextualiser les sourates du Coran et les hadiths, et ne pas essentialiser l'islam), chez les négationnistes (il faut contextualiser le massacre des Arméniens) et dans un certain débat scientifique, où la contextualisation redonne des couleurs au bon vieil argument « ce n'est pas par hasard si, à la même époque ».
Le rétropédalage. Quand un homme politique a un propos ou une initiative qui déplaît aux médias, la meute gardienne de la morale et du droit donne de la voix, et il ne reste bientôt plus au malheureux qu’à faire machine arrière, en déclarant piteusement qu’il a été mal compris. Cette humiliation infligée porte un nom d’allure cycliste ou natatoire : le rétropédalage.
Naturellement, l’exercice n’est amusant que parce que l’honorable corporation, quoi qu'elle dise, quoi qu'elle fasse, a la garantie d'échapper au supplice qu'elle inflige à ses victimes. La presse nous annonce triomphalement qu’un pays musulman est en pleine révolution démocratique, puis, quelques temps après, il se découvre que ce sont les islamistes qui ont pris le pouvoir, et qu'ils fêtent l’événement par de grands massacres de chrétiens. Ou bien les cadres d'une grosse entreprise sont accusés d’espionnage industriel et tous les médias traînent leurs noms dans la fange, après quoi il s’avère qu’il s’agissait d’un coup monté par de petits escrocs, monnayant leurs pseudo-révélations. Le journaliste ne ment jamais, ne se trompe jamais, n’est jamais partisan, et par conséquent il n'est jamais contraint au rétropédalage. Ce sont les événements qui changent.
Littéralement et Je pèse mes mots. Littéralement. Se dit avant d’employer un mot ou une expression au sens figuré et d’une manière métaphorique. Ex. « La chanteuse a littéralement enflammé la scène. » « Le jeune homme a été littéralement lynché. »
Je pèse mes mots. Se dit avant de proférer une énormité. Ex. « Je pèse mes mots, nous bâtissons pour les générations future une dictature qui sera dirigée par les banquiers. » « La situation est catastrophique et je pèse mes mots. » « C’est une émission de merde et je pèse mes mots. » « Les enseignants de cette classe vivent un enfer, et je pèse mes mots. »Harry Morgan