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Cautionary Tales For Housewives
Les nouvelles d'Alice Munro

Je lis un recueil de nouvelles d’Alice Munro, dûment estampillé du macaron de son « Prix Nobel de littérature », et acheté pour tromper l’ennui d’un voyage en train.
Typiques de l’école du New Yorker sont le caractère incomplet ou indécidable de l’univers fictionnel, la faible définition du contexte, la faible définition du narrateur ou du personnage focal (il n’est pas toujours possible de déterminer de quel sexe est un narrateur enfant), la fin ouverte, l’absence d’une signification claire du récit, associée à l’apparente neutralité éthique de l’auteur.
Cependant ce récit fournit, de façon disjointe et accidentelle, une série d’événements fortuits dont la coïncidence, une fois qu'on les considère dans leur ensemble, apparaît singulière, et parfois miraculeuse, ce qui produit cette impression, très caractéristique du style de l’auteur, de destin inexorable et fatal. Naturellement, les jeux sont truqués, l’auteur prenant les événements à rebours et racontant à leur place les choses importantes. On a, si l'on veut, échangé la stratégie narrative du romancier omniscient contre celle d’une ménagère qui partage avec une consœur un potin sur une connaissance commune.
De même, sous l’apparent refus de donner un sens aux événements relatés, on trouve une position morale qui n’a rien d’ambigu. De fait, tout est tellement catastrophique dans les récits d’Alice Munro — les relations sexuelles, en particulier, sont invariablement le prélude à quelque malheur — qu’on a parfois l’impression de lire un pastiche d’ouvrage bien-pensant par Hilaire Belloc (Cautionary Tales for Housewives ? sur le modèle des Cautionary Tales for Children).
Tout de même, on s’étonne qu’un auteur possédant de tels dons d’observation, et de telles trésors de sagesse, produise délibérément une prose si étriquée. Les récits donnent strictement le point de vue de la fillette, puis de la femme, comme si les personnages étaient contenus dans les limites de l’auteur comme personne physique.
Cet aspect des récits d’Alice Munro me donne à penser qu’il est dommage qu’on ait encouragé dans la littérature contemporaine ces voix « minoritaires ». Certes, sur le strict plan littéraire, rien n’est plus intéressant que de pénétrer la psyché d’une enfant de quatre ans, ou d’un somnambule, ou d’un chien. Mais un examen attentif révèle que ce témoignage ne provient jamais d’un auteur qui serait dans la vie une enfant de quatre ans (What Maisie Knew de Henry James), un somnambule (Edgar Huntly or Memoirs of a sleep-walker de Charles Brockden Brown) ou un chien (Thy Servant A Dog de Rudyard Kipling). Le projet littéraire de faire entendre ès qualités les voix de représentants de catégories quelconques est voué à l’échec. Pareille littérature n’a point besoin d’être édifiante pour être médiocre.