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Notes pour servir à l'histoire du roman planétaire


ETUDES SPIRITOÏDES ET ULTRAMONDAINES • Notes pour servir à l'histoire du roman planétaire • Section cinématographique

Yakov Protazanov, Aelita (1924)


Universellement présenté comme le premier film soviétique de science-fiction (mais apparemment il n’y en eut guère d’autre avant la fin des années 1950 et l’arrivée de Klushantsev), Aelita est un brouillon hâtif caractérisé par sa complète incohérence narrative. Sur un plan idéologique, le film mêle propagande bolchévique (grands travaux, défilés), antisémitisme (le méchant de l’histoire, Ehrlich, est un juif aux manières insinuantes et un surgeon de l’ancienne bourgeoisie), et un embryon de satire sociale : on croit comprendre que l’apprenti flic du film permet de moquer discrètement l’État policier qu’est l’URSS ; quant à la double intrigue sentimentale, les amours du soldat Gusev et la jalousie de l’ingénieur Los, elle n’est pas sans rapports avec la promotion de l’amour libre qui avait accompagné la révolution, et qui avait amené un délitement de la société, avec son cortège de drames passionnels.
La principale conséquence de l'incohérence complète de l'intrigue est que la partie martienne n’existe en réalité que dans la rêverie de l’ingénieur Los, ce qui empêche naturellement l’adhésion du spectateur et vide le film de son sens. La vision de Mars se caractérise par un mélange de style ballets russes et de constructivisme. Aelita reine de Mars est coiffée d’un abat-jour. Le dictateur Tsukub porte une couronne en cellophane. Les prolétaires ont la tête dans des boîtes en carton, tandis que les soldats ressemblent à des robots. Dans cette partie martienne, on voit ce qui s'analyse soit comme un souvenir des massacres de la guerre civile, soit comme une anticipation sur les meurtres de masse des années 1930 : les prolétaires surnuméraires sont envoyés par des rampes dans un souterrain où on les met en catalepsie, après quoi on les entasse comme des fagots.

Harry Morgan

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