Vieille bande dessinée - Section petits formats

Tex Willer ou le dernier serial


Créé en 1948 par Giovanni Bonelli et Aurelio Galleppini, Tex Willer entre en scène en sauvant une jeune fille indienne poursuivie par des hommes blancs; Le héros est né justicier comme d'autres naissent presbyte.

Au troisième épisode, "il rapitore di Fanciulle", son scénariste lui donne un statut social en le faisant s'engager dans le "Rangers secret service" comme agent numéro trois.

Plus tard, il épousera Lilith, une princesse indienne qui fera de lui le chef navajo "aigle de la nuit" (Aquila della Notte).

Devenu veuf, il lui restera un fils, Kit dit "petit faucon", que les lecteurs verront grandir rapidement.

Dans les premières années de la série, quand il ne joue pas les vengeurs solitaires, Tex est accompagné par des camarades rangers, par des amis indiens, par des faire-valoir comiques ou par de naïfs géants à la force herculéenne, réminiscences de Jim Taureau.

Bonelli usera de toutes les stratégies pour distraire ses lecteurs.

A l'époque de son mariage, Tex, sous prétexte de protéger sa famille, jouera même les justiciers masqués en portant une cagoule à la Fantomas.

A la fin des années 50, la série se stabilisera lentement autour de la "famille Willer", à savoir: Tex Willer, le jeune Kit Willer, le vieux ranger Kit Carson et l'indien Tiger Jack.

Au fil du temps, Tex Willer s'est constituée en un univers clos où vieux amis et adversaires increvables reviennent au gré des circonstances.

Parmi les alliés les plus fidèles de la famille Willer il y a le chef apache Cochise, frère de sang de Tex, El Morisco, Egyptien devenu Mexicain d'adoption, à la fois médecin, naturaliste, archéologue et occultiste distingué, Lefty et les copains du Hercules Gymnasium de San Francisco, Nuage Rouge, le sorcier navajo.

Du côté des malfaisants, Tex possède son Moriarty personnel, le sinistre Mephisto maître de la magie noire et général des sectes vaudou. A sa mort, Mephisto passera le relais à son fils Yama, qu'il conseille de l'au-delà.

Si ses préférences semblent aller vers les histoires mettant en scène des sociétés secrètes et les diverses façons d'éviter une guerre indienne, en plus de quarante ans de scénario, Bonelli a passé en revue toutes les variations possibles sur tous les thèmes du western, abordé le roman d'aventure, fait de la science-fiction et du fantastique.

Tous les mois cent pages viennent s'ajouter à la saga willerienne et nous comptons bien en 2008 célébrer, dans ces pages ou ailleurs, ses soixante ans.

 

Le Gentleman

 

NOTES EN DESORDRE SUR TEX WILLER

 

Dans Tex Willer, les personnages sont toujours en route pour quelque part. Les membres de la famille "Willer" sont d'éternels voyageurs sur une piste sans fin.

 

Comme le roman d'aventure anglais classique, le western willerien joue sur les temps morts, les conversations futiles, les rituels du café autour du feu de camp et du repas dans le saloon.

Temps morts qui accroissent la crédibilité de la fiction en installant le lecteur dans l'illusion d'un temps réel et qui, par leur répétition d'un épisode à l'autre, rappellent au lecteur qu'il est bien en train de lire "son" western et pas un autre.

 

Tex Willer répond très bien à cette définition du western qui veut qu'il soit une forme d'art pour connaisseurs où le spectateur tire son plaisir de l'appréciation de variations minimes dans le fonctionnement d'un ordre préétabli.

 

Par la répétition inlassable des mêmes structures narratives et des mêmes thèmes, Tex Willer est un western à l'intérieur du western.

C'est l'ensemble des règles du jeu qui permet à Bonelli de se laisser aller à ses étonnantes dérives thématiques.

Le lecteur est ainsi transporté sans heurts du western-western au western-onirique.

 

Les hors-la-loi sont devenus sorciers ou potentats mégalomanes, mais les "peste" les diavolo" les fulmine" sont toujours là.

Bonelli a soin de ne pas abuser de ces épisodes baroques. Tous sont précédés ou suivis par des épisodes western classiques. De même, les personnages comme Mephisto et Yama sont utilisés avec parcimonie.

 

Tex Willer est aussi une série bavarde parce que bande dessinée d'après guerre, et, en tant que telle, soucieuse d'en donner pour leur argent à ses jeunes lecteurs.

 

Bonelli a été parmi les derniers à se servir de ce procédé curieux qui consiste à user de cases blanches où s'inscrit un récitatif. Dans les années 50, la plupart des auteurs y avait recours.

 

Tex Willer a évolué tout en conservant la mémoire de ses formes premières.

Il serait aujourd'hui inimaginable de voir Tex avec un de ces chevaux capables de réaliser de véritables tours de cirque qui l'accompagnaient dans les premiers épisodes de la série.

Pourtant une des dernières aventures publiées en France, "les adorateurs de Kali" (Rodéo, n. 481 à 484) pourrait avoir été écrite et dessinée au début des années 50.

 

Le temps qui passe fait de Tex Willer un western hors du temps.

 

Dans Tex Willer les déplacements des personnages se confondent avec l'intrigue.

 

On comprend ainsi qu'un auteur aussi imperméable à "ce qui se fait" n'ait pas résisté en écrivant "Réserve indienne" (Rodéo n. 468 à 471) au plaisir de faire une version sauce Bonelli de "la tribu fantôme" de Charlier et Giraud.

 

Puisque nous ne retrouvons presque jamais au début d'un nouvel épisode les héros de la saga willerienne au lieu où a fini l'épisode précédent, c'est donc qu'il y a du temps qui passe entre les épisodes. Un temps qui ne nous est pas raconté?

Ou peut-être tout simplement les personnages de Bonelli comme les soldats de plomb des enfants s'endorment-ils avant de se réveiller dans une nouvelle disposition, prêts à jouer une nouvelle histoire.

 

Il y a bien un western italien, son Max Brand s'appelle Giovanni Bonelli.

 

De même que les dime novels ont préparé le western cinématographique américain, de même les fumetti des années 50 ont préparé le western spaghetti des années 60.

Le western italien a de façon ludique répété l'histoire du western américain.

 

Tex Willer, par son mélange de réalité historique et de fantaisie débridée, se rapproche des serials et n'offre en guise d'idéologie qu'une morale a minima.

Storia del West propose une vision historique et critique de l'histoire de l'Amérique.

 

Aujourd'hui il ne reste guère que les auteurs de BD européenne pour produire des histoires d'indiens et de cow boys. Giraud, D'Antonio, Milazzo et leurs disciples sont les derniers des mohicans.

 

Manuel Hirtz

 

LES DESSINATEURS DE TEX WILLER

 

AURELIO GALLEPPINI

Né en 1917, il a fait ses classes dans le dessin animé avant de se lancer dans l'illustration puis dans la bande dessinée.

Il commence sa collaboration avec Bonelli en 1941 avec "le perle del mar d'Oman". Puis ce furent "il mozzo della baleniera" (1943) "Dalla Groenlandia al Labrador" (1943) et enfin en 1948 "Tex" pour l'éditeur Audace.

Créateur graphique de la série, il en assurera seul le dessin pendant plusieurs années et reste aujourd'hui l'un des dessinateurs les plus présents de l'équipe. Comme de plus il réalise toutes les couvertures de Tex, on peut dire qu'il est objectivement LE dessinateur de la série.

Il a inventé les "cantines" sordides et les tueurs balafrés et crasseux qui plus tard ont fait les choux-gras du western spaghetti.

Si la rapidité d'exécution à laquelle il est astreint entraîne des hauts et des bas, il possède un indéniable sens de l'atmosphère. Cimetières mexicains sous la lune, marécages étouffants, prophètes fous et despotes hallucinés se multiplient sous son pinceau.

Il a souvent changé de manière en conservant un dessin immédiatement reconnaissable.

 

GUGLIELMO LETTERI

Deuxième dessinateur à s'être penché sur "l'aigle de la nuit" il pratique un dessin élégant et un peu froid en conservant, quelque soit le nombre de pages, dessiné une qualité égale. Son Tex Willer a un aspect hiératique et distant qui n'est pas sans charme.

 

GIOVANNI TICCI

Il renoue avec une conception plus classique du western, empruntant aux dessinateurs américains et à Giraud.

Son Tex Willer est un dur à cuire parfois presque inquiétant.

 

ERIO NICOLO

Avant de travailler sur Tex Willer, Nicolo s'était rendu célèbre en dessinant "Chiomadoro, principe del sogno", 1952 (Chandra prince royal dans l'Intrépide) et "Forza John" , 1949 (Hardi John dans l'Intrépide).

Des scénarios très délirants de Luigi Grecchi, un dessin à la fois malhabile et étriqué donnent à ces séries un certain charme.

Son Tex Willer a quelque chose de triste et de fatigué, une façon de dire à son lecteur que tout cela n'est qu'un leurre, qui le rend touchant. Erio Nicolo est mort en 1983.

 

FERNANDO FUSCO

Il y a chez Fusco du Frank Robbins, du Hugo Pratt et beaucoup de dynamisme.

Son Tex Willer a des allures de taureau et souvent un sourire sardonique aux lèvres.

 

VINCENZO MONTI

Les années 70 voient l'arrivée de nouveaux pinceaux. Premier des dessinateurs de cette équipe de braves, Vincenzo Monti dessine des personnages raides dans des décors à la Giraud pour un résultat médiocre.

 

FABIO CIVITELLI

Un dessin sobre et un peu appliqué qui au fur et à mesure des épisodes va en se bonifiant.

Son Tex Willer est à l'image de son style, sûr de lui, souriant,sans aspérité.

 

JESUS BLASCO

Né le trois novembre 1919, à Barcelone. Il est considéré comme l'un des plus grands dessinateurs de la bande dessinée espagnole avec des séries comme "Cuto" (1938?), "Anita Diminuta" (1941) ou "Los tres inseparables" (1943).

Il a travaillé pour les éditeurs anglais notamment Fleetway chez qui il a créé "griffe d'acier" sur scénario de Tom Tullay.

En 1968, il crée pour le journal Spirou "los guerrilleros".

Jesùs Blasco est un dessinateur très solide, parfois un peu lourd, comme s'il voulait à toute force se débarrasser de sa réserve d'encre de chine et en même temps prouver en faisant des arabesques à la Alex Raymond que les plaisirs d'un dessin décoratif ne lui sont pas inconnus.

 

CLAUDIO VILLA

Il réussit très bien les charges de guerriers indiens et parmi les jeunes dessinateurs de Tex, il se montre le plus talentueux.

 

VIRGILIO MUZZI

Il faisait dans l'imitation des western cinématographiques américains des années 1930 et n'est resté que peu de temps sur la série.

 

RAFFAELE DELLA MONICA

Il se réclame de Ed Robbins mais dessine très italien.

 

GILBERT

Engager un italo-américain né en 1923, qui a fait sa carrière dans les comic books et les fumetti pour adultes, pour dessiner Tex, c'est délicieusement snob.

 

MARCELLO

Engager en italo-français né en 1930, qui a fait sa carrière à la Sagédition, Pif gadget et Spirou, pour dessiner Tex, c'est délicieusement snob.

 

Depuis 1988, il paraît annuellement un "Albo speciale Tex" de plus de 200 pages; A part le second, dessiné par Galleppini, ils sont réalisés par des artistes "invités". Il y eu tour à tour Guido Buzzelli, Giolitti, Zaniboni.

 

Bob Flash

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