MISCELLANÉES STRIPOLOGIQUES

STAN LEE HOMÈRE DU XXe SIÈCLE
Jean-Marc Lainé
Les Moutons électriques, Bibliothèque des miroirs, 2013

Ouvrage consacré au père de la « maison aux idées ».
La première partie de l’ouvrage est un historique nourri à toutes les sources possibles de la carrière du « mage de l’ère Marvel ». Le lecteur attentif et lucide en conclura que Stan Lee fut dans les années 1940 et 1950 un des nombreux soutiers du comic book qui, sous la férule de Martin Goodman, réalisa moult comics books à l’imitation des succès du temps, love comics, funny animal, récits d’horreur dans la veine des EC Comics, etc. Puis Stan Lee fut, grâce à Jack Kirby et Steve Ditko, dans les années 1960, un très grand editor, sous l’égide duquel naquirent les Fantastic Four, Spider-Man, les X-Men, et nombre de personnages aujourd’hui connus de tous. Dans les années 1970, il géra le fonds Marvel bon an mal an. Puis, à partir des années 1980, Lee a produit à la paresseuse des comics, des romans et des produits télévisuels tous plus calamiteux les uns que les autres.
Dans la seconde partie de l’ouvrage, l’auteur revient sur ses pas et reprend les éléments qu’il a jugés périphériques, par exemple Millie the Model, ou The Cat, avant de détailler le travail d’editor et de décortiquer la fameuse méthode de production Marvel.
M. Lainé poursuit son étude de Stan Lee comme editor dans la troisième partie où in fine il analyse le Surfer d’argent, en qui il voit une préfiguration du comic book moderne à visée philosophique. L’auteur accorde une très grande importance au fait que les aventures du héraut cosmique sont faiblement liées à la continuité et de la chronologie de l’univers Marvel, sans que l’on comprenne très bien l’enjeu de la chose, sauf à titre de sujet de conversation de fans.
Dans la quatrième partie, M. Lainé étudie les apparitions de Stan Lee à l’intérieur des bandes dessinées.
Enfin, dans la cinquième et dernière partie,  « thèmes et discours », l’auteur cherche le propos général des séries de Stan Lee, mais ne trouve rien de saillant. Éloge de l’individualité et de la responsabilité (« de grands pouvoirs donnent de grandes responsabilités »), méfiance envers le communautarisme, attitude ambivalente vis-à-vis de la science, force est de conclure que les points de vue de Stan Lee sont ceux des Américains de sa génération.
La difficulté principale de l’auteur semble avoir été d’unifier le point de vue du jeune fan qu’il a été, pour qui Stan Lee est un démiurge, créateur d’univers (l’Homère du XXe siècle annoncé dans le sous-titre), et le point de vue de l’historien rassis qu’il est devenu, qui porte un regard plus lucide sur son objet d’étude. M. Lainé signale ainsi comme en passant que « le travail de Stan Lee sur les premiers numéros des Fantastic Four est peut-être plus éditorial que littéraire », mais il n’arrive jamais à conclure clairement sur la position autoriale de Jack Kirby. C’est d’autant plus regrettable que l’importance du travail de l’editor est, elle, bien cernée.
On regrettera la tendance de Jean-Marc Lainé à l’énumération et à la digression.

Harry Morgan

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