Le Petit critique illustré

Editions PLG, 1997

(Bonnes feuilles)


1.1. Histoires et introductions générales

 

Bande dessinée et figuration narrative

Pierre Couperie, Proto Destefanis, Edouard François, Maurice Horn, Claude Moliterni, Gérald Gassiot-Talabot

Musée des arts décoratifs, 1967

Publiée à l'occasion de l'exposition du même nom au Musée des arts décoratifs, c'est la première tentative en France d'une histoire de la bande dessinée dans tous ses aspects : histoire, esthétique, production et sociologie de la bande dessinée mondiale, procédés narratifs et structure de l'image dans la BD contemporaine.

Première tentative de légitimation culturelle de la BD, l'exposition et le catalogue Bande dessinée et figuration narrative  eurent une influence profonde sur la conception que le public cultivé se faisait du médium. Pierre Couperie et son équipe firent de Little Nemo le premier classique, et imposèrent les années 30 aux Etats-Unis comme un âge d'or, très aidés, il est vrai, par des bataillons de nostalgiques des journaux d'enfant français de cette époque.

La question fondamentale (que montrer dans l'expo ?) fut résolue par le parti pris d'agrandir les planches (parfois les cases) au format d'un tableau. Convention maintenue dans le catalogue d'après le principe suivant : plus un auteur est important, plus ses cases sont agrandies.

Ce choix de présenter des agrandissements fera sourire l'habitué d'exposition de la fin du siècle, qui s'attend à voir exhiber principalement des planches originales. Il est pourtant logique. D'une part, en 1967, la planche originale n'a pas de valeur intrinsèque. D'autre part, le « produit bande dessinée » est par nature un produit imprimé, ce qu'un agrandissement de case met en valeur, en grossissant l'aspect mécanique de la reproduction. L'original, à l'inverse, a surtout une valeur anecdotique ou affective, même s'il donne naturellement des indications sur le travail d'un auteur. Paradoxalement, l'exhibition d'une planche originale singe peut-être davantage la muséographie « traditionnelle » des arts graphiques que les cases géantes de 1967.

Reste que le choix iconographique de P. Couperie et de ses collaborateurs est sujet à caution. Il y a survalorisation de certains auteurs (Burne Hogarth, qui lança une véritable OPA sauvage sur nos exégètes et érigea sa propre statue de « classique moderne ») et dévalorisation d'autres (citons seulement Poïvet, dont le lecteur se fera une piètre idée, au vu du document de la page 97). De façon générale, le principe énoncé plus haut (taille des reproductions directement proportionnelle à l'importance supposée de l'auteur) n'est pas sans brouiller l'image que le public général cultivé peut avoir de la bande dessinée.

Même s'il faut prendre dates et parfois noms d'auteurs avec précaution, même si certaines bandes dessinées ne sont visiblement connues que par ouï-dire et même si l'on note quelques oublis importants, ce catalogue de plus de 250 pages reste d'une lecture plaisante de par sa volonté critique, ses enthousiasmes et, à l'occasion, ses vigoureux parti pris.

 

La Bande dessinée. Histoire des histoires en images, de la préhistoire à nos jours

Gérard Blanchard

Marabout Université, 1969

Réédition 1974

Bref ouvrage, consistant en un texte extrêmement concis, mais documenté et toujours pertinent, et des reproductions bien choisies, mais trop petites, vu le format du volume, pour être lisibles. Le Blanchard est un paquebot transatlantique contenu dans les limites d'un flacon.

Gérard Blanchard part du pictogramme et des prémices de la figuration, pour dégager l'évolution de la narration en images. Cela le conduit logiquement à l'histoire en images et à la bande dessinée américaine puis européenne.

Son point de vue est celui de l'historien de l'art et l'ouvrage tranche assez nettement, par conséquent, avec les opuscules d'éducateurs qui le précèdent (voir la section 4. Pédagogie), mais aussi avec les ouvrages de nostalgiques, puis d'amateurs, qui le suivront.

Mais, d'un autre côté, cette façon de remonter aux fresques égyptiennes - et, à tout le moins, à la tapisserie de Bayeux et aux xylographies médiévales - impressionnera beaucoup les futurs exégètes de la bande dessinée, qui s'en serviront pour légitimer le médium. La généalogie de la BD établie par Gérard Blanchard sera donc rappelée rituellement au début des ouvrages, dans les deux décennies suivantes, - par des auteurs qui n'en concluent rien et n'en tirent rien, faute de véritables recherches. (Pour des exemples, voir à l'index : Frémion, Pennachioni, Pierre, Renard.)

Par contrecoup, une autre partie de la critique - répondant non à Blanchard, mais à ses continuateurs - tendra à se gausser de ces références historiques, perçues comme une tentative petite-bourgeoise de donner un pedigree à une forme d'expression naguère décriée.

La thèse de M. Blanchard est assez pertinente. On notera cependant que, même si l'auteur reste prudent dans ses analyses, son choix de reproductions risque de donner l'impression que le moyen âge connaît l'équivalent d'une bande dessinée avec cases et ballons. Il faut se garder ici de généraliser à partir de ressemblances superficielles.

L'auteur a la mérite d'insister sur les évolutions et les révolutions technologiques qu'ont connu l'imprimerie et la presse, et sur l'émergence des médias cinéma et télévision, en lecteur attentif de McLuhan.

La brièveté de l'ouvrage ne lui permet pas de développer autant qu'elles le mériteraient ses intuitions souvent fécondes, et il se heurte parfois, pour la partie moderne (années 50), à des difficultés de documentation. Par exemple, s'il écrit à propos des EC comics, qu'il est l'un des premiers en France à juger sur pièces : « Ce style de dessin, particulièrement adapté à la publication en noir, donne à ces bandes une allure volontairement un peu archaïque », c'est qu'il n'a lu que des rééditions au format de poche par Ballantine Books (en noir et blanc, donc).

Notons que, même quand l'auteur dispose de peu de sources, ses jugements sur les œuvres restent remarquablement justes. Il incite d'ailleurs constamment le lecteur à vérifier sur pièces et à se faire sa propre histoire de la BD.

 

Imagerie populaire contemporaine, la bande dessinée

Gérard Blanchard

Editions MC Montreuil, 1971

Catalogue d'une exposition de la Maison de la culture de Montreuil.

 

Pour un 9e art, la bande dessinée

Francis Lacassin

UGE Christian Bourgois, Collection 10/18, 1971

Réédition Slatkine, 1982

Défense et illustration de la bande dessinée par un des fondateurs du CBD puis du CELEG (voir à l'index la revue Giff Wiff), Pour un 9e art, la bande dessinée est un recueil d'articles d'un peu plus de 500 pages. L'ouvrage a pourtant une sorte de cohérence. Il comporte quatre parties :

1° De l'image narrative à la narration en images. Où, après avoir tenté de définir la bande dessinée, l'auteur fait un historique des débuts du médium.

2° Quelques classiques. Où l'auteur, conteur aimable et disert, se penche tour à tour sur Bécassine, Les Pieds Nickelés, Félix le Chat, Popeye, Tarzan et Lucky Luke, avant de s'entretenir avec Paul Gillon.

3° Miroir du monde. Où l'auteur repère les similitudes de la bande dessinée et de la littérature populaire, discourt sur la science-fiction, le héros, le racisme, le rêve, dans une perspective sociologique.

4° Bande dessinée et cinéma. Où l'auteur systématise la comparaison cinéma et bande dessinée, thème depuis rebattu, mais qui a beaucoup impressionné, comme en témoigne Gilles Costaz dans Le Magazine littéraire : « Pourtant tout hostile que je sois à l'abstraction esthétique, la confrontation bande dessinée-cinéma m'a parue assez étonnante. » M. Lacassin se penche ensuite sur le code (expression graphique de la colonne son).

On achève sur Alain Resnais et les BD, et le récit touchant d'une visite à Fellini.

Précisons que cet ouvrage de combat, pas mal fait, est dépassé et n'a plus, comme les journaux français pré-âge d'or, d'intérêt que « rétrospectif ou affectif ». Mis à part les chapitres sur les précurseurs français et Lucky Luke - et même s'il arrive à citer le Corriere dei piccoli, les bandes dessinées de Spirou et Jodelle - l'auteur traite essentiellement des strips américains des années 30 qu'il a lus étant petit, et qu'il ne connaît que dans leur version française (le Popeye dont il nous parle est donc la version parue dans Robinson). La déformation systématique des orthographes (on lit dans tout l'ouvrage Mac Kay pour McCay) incline à penser que M. Lacassin écrit parfois en se fiant à sa mémoire.

Les aperçus généraux sont aberrants, sa prédilection pour le strip d'aventure des années 30 amenant l'auteur à rabaisser tout ce qui précède, et que, du reste, il ne connaît pas. La bande dessinée française est « incapable de toute amélioration technique jusqu'en 1946 ». Même pour les Etats-Unis, l'auteur arrive à écrire qu'avant les années 30, il n'existe que des daily strips familiaux, au graphisme linéaire et au décor réduit, - tous cadrés en plan moyen !

Pour le strip d'aventure lui-même, l'auteur cite des séries des années 30 qu'il appréciait enfant, comme Don Winslow of the Navy et Charlie Chan ; il ne cite pas Wash Tubbs (1924), fondamental dans le développement du continuity strip, car il en ignore l'existence. Quant à la bande dessinée d'après-guerre - y compris aux Etats-Unis - c'est pour lui un continent obscur.

De nombreuses affirmations sont contestables - et parfois ne reposent sur rien. Flash Gordon et Jungle Jim sont donnés comme deux bandes séparées (Jungle Jim est le top de Flash Gordon). Winnie Winkle disparaîtrait de son strip au profit de son petit frère Perry (en français Bicot) ; les personnages de Thimble Theater disparaîtraient eux aussi (?) pour laisser la place à Popeye, - dont une statue serait érigée à Cristal City (pour Crystal City).

Enfin, les erreurs de noms, de dates ou de titres abondent (Little Bears and Tigers pour Little Bears and Tykes, Rex Luthor pour Lex Luthor, Georges Wunders pour George Wunder). Elles culminent dans deux tableaux chronologiques. Le premier, recensant les principaux personnages de la bande dessinée mondiale, est un véritable festival de noms écorchés (citons au hasard : Kieru et Kairu pour Kieku et Kaiku, E. D. Plawen pour e. o. plauen, Dashiell Hammet pour Dashiell Hammett, Franck Martinek pour Frank Martinek, Otto Messmer pour Otto Mesmer, Raymond Cazeneuve pour Raymond Cazanave), mais aussi de dates incertaines et de références douteuses, recopiées on ne sait où. Le second, consacré aux événements importants de l'histoire de la bande dessinée, et tout aussi farfelu, permet à l'auteur de se faire un peu de publicité en racontant par le menu la vie du CBD et du CELEG.

 

Claude Moliterni, Histoire de la bande dessinée d'expression française, 1972 : voir la section 2.2.1. France et francophonie

 

Comics : l'art de la bande dessinée

Réalisation : Walter Herdeg et David Pascal

Walter Herdeg, The Graphis Press, Zurich, 1972

Recueil de courts articles de David Pascal, Pierre Couperie, Claude Moliterni, Archie Goodwin et Gil Kane, Les Daniels, Jules Feiffer, Robert Weaver, Umberto Eco, parus dans la revue suisse Graphis, n°159 et 160.

Une introduction à la bande dessinée qui privilégie l'image et s'adresse a un public de spécialistes et de professionnels de la communication.

A noter les propos d'Alain Resnais sur le thème « Bande dessinée et cinéma » et des reproductions de travaux du célèbre designer Milton Glaser, inspirés par les techniques de la bande dessinée.

 

BD, censure, érotisme et 137 personnages, BD 72

Numéro spécial de La Revue du cinéma, Image et son

Sous la direction de Jacques Zimmer

Ufoleis, Ligue française de l'enseignement, 1972

Dans un élégant boîtier jaune, 104 diapositives, passant en revue 137 personnages de BD, de Pim Pam Poum à Valentina (on nous précise que ces diapositives ne reprennent en rien la première série, parue en 1967, dont nous ignorons tout), accompagnées d'un livret comportant, en première partie, quatre articles parus dans les numéros de février, mars, avril, mai 72 de La Revue du cinéma, Image et son, et consacrés à la censure et l'érotisme, aux fumetti neri, à la politique et au western.

Dans la deuxième partie, personnages répartis en huit catégories : les comiques, les parodiques, les politiques et satiriques, les poétiques et insolites, les quotidiens, les fantastiques, les héroïques et les érotiques. (Cette classification évoque immanquablement l'Anthologie Planète, - voir la section 1.3).

Les auteurs distinguent de façon assez gratuite quatre périodes : avant 1920, de 1920 à 1940, de 1940 à 1960 et après 1960.

Remarquons, pour conclure, que le parti pris esthétique sent terriblement les années 70. Les auteurs s'en justifient du reste : « Nous nous intéressons plus à la bande dessinée actuellement publiée qu'aux collections privées. Nous avons marqué une nette préférence pour les documents récents : parce qu'il n'est pas toujours vrai que le créateur d'une série en soit le meilleur interprète et parce que nous voulons considérer la bande dessinée comme un art vivant ».

 

La Littérature de la bande dessinée

Bibliothèque Laffont des Grands Thèmes, 1975

Cet ouvrage anonyme d'origine espagnole est, sur 143 pages, un recueil des pires lieux communs généralement proférés sur la bande dessinée, agrémenté de diverses saugrenuités.

On y apprend que Rodolphe Töpffer « s'est surtout illustré par d'abondants albums de dessins légendés qu'aucun comic book n'a encore surpassés », que Krazy Kat est d'une « orientation pré-surréaliste », que L'Ile Noire et Le Temple du Soleil sont de bons exemples du « dynamisme qu'Hergé a donné à ses histoires », que « Dennis the Menace c'est-à-dire Daniel le polisson (sic) est un strip dans la lignée de Pogo, Peanuts et Miss Peach », que « dans la montée du comic moderne italien, l'œuvre de Hugo Pratt représente un cas marginal » et qu'il est l'auteur d'Une bataille sur la Mer Salée (sic).

En prime, un entretien avec Claude Moliterni, sans intérêt lui aussi.

 

La Bande dessinée en 10 leçons :  de Zig et Puce à Tintin et Astérix

Henri Filippini et Michel Bourgeois

Hachette, Collection en 10 leçons, 1976

On nous y enseigne :

- que la production anglaise est « totalement inexistante »,

- que la bande dessinée italienne ne démarre vraiment qu'après la guerre,

- que « la Hollande a toujours été le chef de file de la BD néerlandaise »,

- que McManus « n'ignore rien du modern style comme du style nouille »,

- que Batman n'a eu du succès qu'en 1966,

etc.

S'ajoutent erreurs de dates, coquilles et verbiage incontrôlé.

 

Panorama de la bande dessinée

Jacques Sadoul

J'ai Lu , 1976

« Dans ce livre, petit mais dense, Jacques Sadoul passe en revue 200 bandes dessinées françaises, américaines, belges, italiennes, etc., de 1897 à 1975. Chaque série est examinée du point de vue historique et critique et toutes sont accompagnées d'une reproduction, soit 200 illustrations en tout. »

Voilà ce que promet la prière d'insérer. Vaine promesse ! Ce Panorama de la bande dessinée serait un honnête ouvrage s'il s'était intitulé « Mon panorama de la bande dessinée » - car, si les deux cents séries passées en revue reflètent très bien les goûts de l'amateur Jacques Sadoul, elles ne donnent pas une vision juste de l'histoire de la bande dessinée.

Le livre de Jacques Sadoul mérite même que l'on soit sévère avec lui, car il a été publié aux très populaires éditions J'ai Lu et se veut « destiné à devenir la bible de tous les amateurs de bande dessinée ».

Que penser d'un chapitre sur l'Angleterre qui considère qu'Andy Capp est un strip d'humour intellectuel, qui préfère faire une place à James Bond plutôt qu'à Dan Dare, Rupert ou Bristow ?

Ailleurs, le chapitre Underground « oublie » Art Spiegelman, George Metzger et Greg Irons, au profit de Larry Welz, Dick Giordano et Mike Royer.

Plus grave : sur les dix-neuf BD italiennes présentées, sept sont des « fumetti per adulti », alors que ne sont cités ni Antonio Rubino, ni Rino Albertarelli, ni Luciano Bottaro, ni Giovanni Bonelli, ni Dino Battaglia.

Même problème pour les comic books, où sont citées cinq filles de la jungle, alors que Sheena aurait suffi et où Sadoul sort de sa bibliothèque des séries aussi excentriques que The Black Condor ou Blonde Phantom.

Comme on le voit, Jacques Sadoul a fait passer ses goûts d'érotomane distingué et d'amateur d'insolite avant ses devoirs d'historien de la BD.

Quant aux erreurs de dates et de faits, Pierre Couperie, dans Phénix n°45, en dénombre une vingtaine.

 

La bande dessinée

Jean-Bruno Renard

Seghers, Collection clefs, 1977

Edition revue et augmentée, 1985

Une connaissance superficielle de la bande dessinée et beaucoup de lieux communs permettent à l'auteur de nous infliger cette laborieuse introduction à l'histoire, la technique, l'esthétique et la sociologie de la bande dessinée.

1985 vit paraître une édition revue et augmentée, faisant le point sur la sémiologie, la psychologie et la sociologie appliquées au domaine.

 

La Bande dessinée BD 79

Jacques Zimmer

Ligue de l'enseignement et de l'éducation permanente, 1978

Mise à jour 1983

Nouveau coffret de 158 diapositives avec un livre (voir ci-dessus, BD 72). L'auteur a gardé l'intégralité des fiches de personnages de la première édition, mais les a complétées dans une seconde partie, en adoptant une classification identique. Suivent quelques éléments historiques et listages de personnages (les femmes, les animaux).

 

Diabédé 1 et 2

Association pour la défense et l'illustration des bandes dessinées (Adibédé), s. d. (1978)

Deux coffrets de 20 diapositives sur l'histoire en images, le premier « Des Cavernes à Epinal », le second, « D'Epinal à Winsor McCay ». Un livret de 8 pages à chaque fois. Le tout concocté par Jean-Claude Faur.

 

Histoire mondiale de la bande dessinée

Sous la direction de Claude Moliterni

Pierre Horay, 1980

Réédition augmentée 1989

Un échec à la taille de l'ouvrage. On attendait mieux chez Pierre Horay et surtout de la liste prestigieuse des collaborateurs, qui sont tous des spécialistes de leur domaine respectif.

La conception même de l'ouvrage échappe à toute logique : le choix des auteurs cités et la place réservée à chaque pays sont apparemment laissés au hasard. L'ouvrage se compose surtout de listes de séries ou d'auteurs, souvent sans qu'il soit précisé même s'il s'agit d'humour, de western ou de science-fiction. Il est vrai que l'on ne se nomme pas Histoire mondiale sans risque.

On notera cependant quelques chapitres réussis, comme celui de Pierre Couperie sur l'histoire en images et les débuts de la bande dessinée en France.

Ajoutons qu'en dépit de tout, l'ouvrage reste utilisable, grâce à son index, comme une sorte de listing d'auteurs et de séries, à charge, pour le chercheur, de compléter ses connaissances par ailleurs.

 

A la rencontre de la bande dessinée

Jean-Claude Faur

Bédésup, Collection à la rencontre de..., 1983

Recueil d'articles sur tout et rien et d'entretiens en vrac, sur 238 pages, illustré par des dessins dédicacés d'auteurs de bandes dessinées à l'auteur de ce livre.

L'ensemble donne l'impression d'une grande confusion.

 

La Bande dessinée

Annie Baron-Carvais

PUF, Collection Que sais-je ?, 1985

Deuxième édition revue et mise à jour, 1985

Troisième édition refondue, 1991

Quatrième édition refondue, 1994

Paraphrasant Pierre Versins, un mauvais plaisant pourrait être tenté de dire qu'à l'intéressante question que s'est posée Annie Baron-Carvais dans la célèbre collection des Presses universitaires de France, on peut répondre par un mot : Rien. Plus constructifs, nous relèverons qu'il s'agit du travail d'une personne qui s'est studieusement penchée sur la question, mais non d'une spécialiste du domaine, à qui la bande dessinée serait, en quelque sorte, naturelle. D'où des incohérences qu'on peut à peine qualifier de fautes, mais qui blessent les yeux du lecteur érudit, et qu'un spécialiste aurait évité machinalement. Par exemple, (p. 8) Picasso ne reçoit pas « des albums américains » (on se demande lesquels !) par l'intermédiaire de Gertrude Stein, mais les suppléments dominicaux des quotidiens (« the comic supplements of the american papers »), comme le saurait Mme Baron-Carvais si elle avait lu L'Autobiographie d'Alice Toklas de Gertrude Stein, au lieu de recopier, mal sans doute, un article du Journal of Popular Culture.

D'autre part, si l'auteur tente courageusement de passer en revue tous les aspects de la bande dessinée (historiques, techniques, sociologiques), c'est fait souvent - vu le format de la célèbre collection de monographies des PUF - au pas de charge, comme dans le chapitre consacré à la « Bande dessinée phénomène mondial », ahurissant résumé de l'Histoire mondiale de la bande dessinée, parue chez Pierre Horay ( ci-dessus). L'auteur réussit aussi à consacrer tout un III à la censure, sans dire un mot de l'affaire Mouchot, dont manifestement elle ignore tout, - mais en citant une « décision » de la Commission de surveillance concernant Fantask, qui, elle, n'existe pas, comme le savent les lecteurs d'Images interdites, de Bernard Joubert (voir à la section 2.4.4. Erotisme et censure).

Les affirmations contestables sont nombreuses. L'auteur nous dit que « la poésie pré-surréaliste apparaît en 1911 avec Krazy Kat » (on se demande toujours de quoi il s'agit !), ou que Jijé, reprenant Spirou, « lui adjoint Fantasio et Spip » (Spip est une invention de Rob-Vel). L'auteur a tendance aussi, après beaucoup d'autres, à aventurer des faits ou des opinions vagues, anecdotiques et invérifiables, en étant animée d'ailleurs des meilleures intentions. On aimerait savoir, par exemple, par qui au juste « Krazy Kat [encore lui !]... ayant circulé en France, fut reconnu comme un des premiers exemples du dadaïsme » (p. 9).

Certains choix surprenants semblent dictés par la documentation à laquelle l'auteur a eu accès. Ainsi, la partie « élaboration d'une bande dessinée » est très tributaire de l'ouvrage How to Draw Comics the Marvel Way, peut-être plus pittoresque que canonique (mais Mme Baron-Carvais est l'auteur d'une thèse sur L'Evolution des super-héros dans la bande dessinée aux Etats-Unis).

Tels passages sont soit confus, (ainsi de cette distinction entre l'album, l'illustré et la revue, avec consultation des dictionnaires Larousse à l'entrée « illustré » ! On aurait préféré un lexique des termes fondamentaux) soit simplement hors-sujet (la difficulté de faire du dessin d'humour en U. R. S. S. et les ennuis du pauvre dessinateur de presse Syssoïev).

Les spécificités du langage de la bande dessinée sont peu prises en compte, l'auteur la considérant comme une nouvelle forme de littérature. Ses aspects esthétiques sont négligés.

Enfin, les lieux communs abondent. Le comble est atteint dans la page de conclusion, où Annie Baron-Carvais nous assure que la bande dessinée est universelle, qu'elle est à la fois un art et une industrie (elle cesse d'être une industrie dans la troisième édition), qu'elle est le reflet de son époque et un réservoir de l'imaginaire, et qu'il est hors de question d'admettre l'existence d'un âge d'or, de peur de démoraliser les jeunes auteurs.

Déplorons encore une bibliographie qui, en dépit des remaniements, arrive à être toujours brouillonne et décousue.

Des mises à jour successives ont corrigé certaines défauts et suppléé des lacunes, - mais sans parvenir à ôter l'impression de fouillis inextricable que donne l'ensemble. Le passage (hors-sujet) sur Syssoïev est toujours là, mais la phrase finale : « A l'Est, rien de nouveau ! La censure tsariste avait déjà empêché l'apparition des récits illustrés en Russie au début du siècle, » est devenue, dans la troisième édition : « Les temps changent et la perestroïka permet à Mickey de débarquer fin 90. » Frère Roland Francart et le CRIABD ont été rajoutés dans un passage sur la BD religieuse. Des potins de boutique sur le CNRS sont remplacés par la mention des travaux de Christian Alberelli. Par contre, Bédésup, présenté dans la première édition comme « destiné plus particulièrement aux enseignants et aux universitaires » (sic), a disparu de la rubrique fanzines dès la deuxième édition.

 

93 ans de BD

Jacques Sadoul

J'ai Lu, 1989

La plupart des erreurs de fait en moins, il s'agit de la reprise du Panorama de la Bande dessinée, actualisée et étoffée. On peut donc faire à 93 ans de BD les mêmes reproches qu'au Panorama.

Si l'on reprend le chapitre italien, par exemple, on constate que, sur les 60 séries citées, 32 sont des fumetti per adulti ou des fumetti neri, alors que ne sont toujours pas nommés Antonio Rubino, Luciano Bottaro, Giorgio Rebuffi, Giovanni Bonelli, Gallieno Ferri, le studio Esse-G-Esse, Dino Battaglia, Massimo Mattioli, Attilio Micheluzzi, Altan.

L'actualisation va dans le même sens pour les comic books. Sadoul préfère parler de Ron Randall et de Mark Schultz, plutôt que de Bill Sienkiewicz ou des frères Hernandez. Pour les comic strips, Calvin et Hobbes, de Bill Watterson, est seulement cité, pour dire qu'il fait partie des strips dont « aucun n'a réussi à percer » (sic). Pour Gasoline Alley, Abbie an' Slats, Polly and her Pals ou Doonesbury, l'auteur annonce qu'ils ne seront pas commentés. Sadoul leur préfère Tim Tyler's Luck, The Phantom, The Lone Ranger et Hägar (Dunor) le Viking.

Page 60, Jacques Sadoul nous dit préférer Terry and the Pirates à Steve Canyon et s'étonne que Caniff professe une opinion contraire, preuve que le créateur est meilleur juge de son œuvre que l'auteur de ces 93 ans de BD.

 

La Bande dessinée

Didier Quella-Guyot

Desclée de Brouwer, Collection 50 mots, 1990

Dans la collection 50 mots, en cinquante entrées, l'auteur présente les divers aspects de la bande dessinée.

Ouvrage à l'usage des profanes. Il existe une traduction en brésilien : A Historia em quadrinhos, Unimarco editora, 1994.

 

La Bande dessinée

Benoît Peeters

Flammarion, Collection dominos, 1993

Sur 128 pages en petit format, avec des illustrations en couleur, introduction concise mais érudite. Dans la deuxième partie, conformément au principe de la collection, l'auteur prend ses risques en extrapolant l'avenir.

 

Les Aventures de la BD

Claude Moliterni, Philippe Mellot, Michel Denni

Gallimard, Collection découvertes, 1996

Introduction en 160 pages destinée au profane, avec de nombreuses illustrations en couleur, suivant le principe de la collection. C'est essentiellement une histoire, des origines à l'ère manga, via l'âge des héros, la modernisation, l'âge adulte et « le 9e art sans frontières ». Outre cette conception évolutionniste de la BD, axée sur le principe du « passage vers un lectorat adulte », on déplorera de nombreuses erreurs et l'abondance de légendes et de lieux communs. Et revoilà nos chats surréalistes, Krazy Kat et Félix !...1

 

La Bande dessinée

Didier Quella-Guyot

Hachette, Collection qui, quand, quoi ?, 1996

Dans la collection qui, quand, quoi ?, introduction en moins de 80 pages, présentées en double page, avec bavette de gauche et bavette de droite. « Qui » nous parle d'auteurs, « quand » énumère des dates, « quoi » tente une définition, traite du 9e art et de stéréotypes, « comment » aborde le code, « combien » le marché. « Où » donne des adresses.

Ouvrage alertement écrit, bonne introduction pour le débutant.

 

Chronologie de la bande dessinée

Claude Moliterni, Philippe Mellot

Flammarion, 1996

Sur des doubles pages très illustrées, et année par année, les principaux événements de la BD, assortis d'un « en ce temps-là » - car la BD, comme on sait, est le reflet de son époque. Ressemble, et pour cause, aux autres ouvrages du ou des même(s).

 

Alain Chante, 99 réponses sur... la bande dessinée, 1996 : voir la section 4.1. Ouvrages généraux pour pédagogues

 

100 ans de BD

Directeur de la rédaction : Pascal Pillegand

Editions Atlas, 1996

Grand album commémoratif - puisqu'il paraît que la BD est née en 1896, avec le Yellow Kid. C'est encore une histoire de la BD année par année, présentée par double page, avec un « ces années-là » destiné à remplir. L'illustration est laide et mal reproduite (les documents en couleur gonflés en pleine page sont particulièrement mal rendus), la maquette est ingrate, le texte composé trop gros ; tous les poncifs sont là, recopiés sur les ouvrages à poncifs. Auteurs et séries, nonobstant l'ordre « chronologique » de l'ouvrage, semblent disposés sur les pages au petit bonheur. Les erreurs s'ajoutent aux coquilles pour un résultat parfois ahurissant : Le premier événement marquant de 1905, nous annonce-t-on fièrement, est la création du Centre belge de la bande dessinée (inauguré en réalité en 1989).

La perspective est, une fois encore, celle du passage de la BD des balbutiements à l'âge adulte, mais cela mérite à peine d'être relevé, tant l'ensemble est confus et manque de dessin.

Un livre navrant.

 

La Bande dessinée

Thierry Groensteen

Milan, Collection les essentiels, 1997

Dans la collection les essentiels Milan, petit ouvrage d'une soixantaine de pages. Un nouveau thème sur chaque double page. Les origines, Hergé, les générations d'illustrés, les années Pilote, la presse adulte, etc.

Beaucoup des thèmes ont été approfondis, dans des publications plus denses, par l'auteur lui-même, qui devient donc son propre vulgarisateur.

 

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